Monsieur le Directeur Inter-régional des Services Pénitentiaires,
Par cette lettre, nous vous invitons à vous plonger dans le quotidien des personnels féminins intervenant au Centre Pénitentiaire de Mulhouse-Lutterbach : sifflements au passage devant les cours de promenade, bruits de bisous, remarques sur le physique « T’es fraîche ! », « Beau p’tit cul », « T’es charmante » : voilà ce que subit le personnel féminin du CPML de la part des personnes détenues depuis plus d’un an ! Des femmes, personnels pénitentiaires ou partenaires du service public, qui se retrouvent très souvent seules face à plusieurs dizaines de personnes détenues, lorsqu’il s’agit de traverser la cour de promenade du centre de détention… Rappelons, à toute fin utile, que l’établissement a été conçu de telle façon que les personnels devant se rendre au quartier centre de détention n’ont pas d’autre choix que de traverser cette cour de promenade. Imaginez-vous ce qu’elles peuvent ressentir. Et si elles ont le courage de souligner à ces Messieurs que ces comportements ne sont pas adaptés, leur seule réponse sera « Salope » « Sale pute ».
Le pire dans tout cela, Monsieur le Directeur Inter-régional, reste certainement l’inaction de l’Institution, à travers ses représentants locaux qui laissent perdurer ce genre de comportement.
Il a fallu attendre plus de 6 mois, la démission d’une assistante sociale, la remontée par écrit des outrages subis et l’intervention répétée des syndicats pour que quelques mesures soient actées.
Et là encore, les réponses sont bien faibles ou plutôt peu investies : un article 29 au centre de détention qui n’a pas été suffisamment préparé en amont, des affiches de prévention actées depuis février 2023 qui restent au stade de l’ébauche, la promesse d’un bardage pour cacher l’accès à la cour de promenade mais qui n’a pas dépassé l’étape de projet. Cela en dit long sur l’importance donnée au sujet des violences subies par les personnels.
En attendant, les agents continuent de subir régulièrement, si ce n’est quotidiennement, ce genre d’outrage et se sentent démunies, peu écoutées et laissées à l’abandon. Lorsque cette situation a été relayée au CSA local, la Direction a rappelé la nécessité de rédiger des CRI. Mais quel est le sens d’un tel signalement lorsqu’il ne suscite aucune réaction ? En effet, même lorsqu’il est possible d’identifier la personne et qu’un CRI est rédigé, la réponse disciplinaire demeure très faible, voire inexistante.
Et que dire des violences subies au sein même de l’institution, lorsque l’établissement renvoie au SPIP la réalisation de tâches qui ne lui incombe pas, notamment lorsque le chef d’établissement signe une note à l’intention de la population pénale informant que le SPIP procède à l’ouverture de compte bancaire à l’extérieur pour remise du pécule libérable ? Cela n’a qu’un effet : exacerber les tensions que les agents du SPIP doivent gérer au quotidien.
L’inaction de l’administration laisse un goût amer au personnel féminin qui ne se sent plus en sécurité pour assurer ses missions au sein de cet établissement..
S’il est d’usage de dire que la prison n’est que le reflet de la société, rappelons Monsieur le Directeur Inter-régional que la société réprime vivement ces violences.
La prévention et lutte contre les violences sexistes et sexuelles a d’ailleurs été déclarée grande cause du quinquennat par le président de la République en novembre 2017 et renouvelée en 2022. Pourquoi l’administration pénitentiaire ne se sentirait-elle pas davantage concernée ?
Ne nous pouvons accepter que cette situation perdure !
Monsieur le Directeur Inter-régionale, la section locale du SPIP 68 du SNEPAPFSU et la CGT SPIP 68 sollicitent une audience dans les plus brefs délais auprès de vous, en espérant trouver une écoute attentive et que des réponses fermes et adaptées soient apportées au plus vite.
Dans l’attente, cette lettre ouverte sera rendue publique.
A Lutterbach, le 17/05/2023
La section locale 68 du SNEPAP-FSU et la CGT SPIP 68