SPIP 75 pole TIG lettre ouverte TIG à Paris: Nous tirons la sonnette d’alarme!

Monsieur le Directeur,

La CGT SPIP 75 a été interpellée par l’ensemble des collègues du pôle TIG au sujet de leurs conditions de travail.

Ils ont rédigé une lettre ouverte afin de vous faire part de la dégradation des conditions dans lesquelles ils exercent leurs missions et de leur charge de travail qui ne cesse de s’accroître. Cette équipe est manifestement épuisée.

Cette lettre reflète de façon très réaliste la détérioration des conditions de travail au SPIP de Paris alors qu’aucune réponse institutionnelle acceptable n’est proposée, tant en termes de ressources humaines que d’organisation de service.

La CGT SPIP 75 s’associe donc à cette lettre et vous la transmet sous couvert syndical. Veuillez agréer, Monsieur le Directeur, nos salutations distinguées.

La CGT SPIP 75

LETTRE OUVERTE

TIG à Paris : Nous tirons la sonnette d’alarme !

 

Nous tirons la sonnette d’alarme sur la situation catastrophique du pôle TIG depuis bientôt 1 an. Cette situation est historique. Nous avons connu un temps où le quota de dossiers affectés à un travailleur social s’élevait à environ 65 dossiers. Notre activité était alors reconnue et nos conditions de travail permettaient de développer un partenariat de qualité profitable à tout le service.
L’équipe du pôle TIG, constituée depuis 1997 avec une organisation non sectorisée, couvre la ville de Paris (intra-muros). Elle a fonctionné avec 8 à 10 CPIP, en ressources humaines, pour environ 700 à 1500 mesures exécutées par an.
A ce jour, nous faisons face à un nombre grandissant de mesures pouvant atteindre un pic de 176 mesures pour certains CPIP, précisément au 29 juillet 2015, 1067 mesures pour 7,1 temps plein. Ce chiffre ne nous étonne pas dans la mesure où la politique actuelle de la chancellerie est à l’aménagement de peine. Mais rien n’a été anticipé. Le TIG se trouve en première ligne, notamment les conversions en Sursis TIG en nette augmentation. Elles sont parfois prononcées sans discernement. La grande précarité de certaines situations (problèmes psychologiques lourds, SDF, inadaptation sociale – respect des horaires, d’un cadre… – ) rend difficile la mise en place du travail d’intérêt général au risque de fragiliser nos partenaires qui ne sont pas formés à l’accueil de ce type de profil.
Nous prenons en charge les dispositifs collectifs (8 stages pour le moment, ce qui correspond à près de 30 sessions étalées sur l’année…), les rencontres régulières avec nos partenaires, les réunions institutionnelles, les journées d’informations sur le TIG ainsi que les permanences complètement désorganisées depuis les nouvelles dispositions du BEX et des différentes chambres correctionnelles. Ainsi, pratiquement depuis le début de l’année 2015, nous recevons dans une indifférence totale, dans le cadre du BEX, des personnes qui se présentent sans rendez-vous formel, aucun dossier les concernant n’étant constitué… Ainsi, un CPIP de permanence peut se retrouver dans la même journée avec 8 personnes, voire davantage, à recevoir dans la plus grande confusion.
Les exigences de la part des Magistrats, de la hiérarchie du SPIP, mais aussi des PPSMJ sont de plus en plus pressantes. Nous ne pouvons y faire face dans de telles conditions, avec une charge de travail devenue démesurée : accueil, entretiens avec les PPSMJ, mise en place du TIG, entretien de bonnes relations avec les partenaires existants (recherche de nouveaux partenaires, ce qui nous est demandé par la Direction du SPIP 75), rédaction de rapports, respect des obligations de travail, domicile, soins, indemnisation des parties civiles, recherches de place d’hébergement, les évaluations des outils d’évaluation… Enfin, il faut savoir que quelque soit la situation de la PPSMJ, dès lors qu’elle est condamnée à un TIG, son dossier, qui peut comporter plusieurs mesures SME(s), LC(s), SSJ… revient au pôle TIG.
Nous travaillons actuellement avec une pression, voire un stress, qui n’est plus supportable. Nous ne sortons plus, enfermés dans nos bureaux, transformés en agences de placements, dans lesquelles nous essayons de placer avec une certaine précipitation (pour respecter les délais), des PPSMJ souvent rétives à la mesure. Nous craignons par ailleurs que l’afflux continu de dossiers vienne encombrer des postes de travail, déjà saturés par nos multiples demandes.
Nous voyons émerger au sein de l’équipe des stratégies de « survie » comme la demande de temps partiel (l’équipe actuelle du pôle TIG est composée pour moitié de temps partiel), ou plus radicalement la perspective de changer de pôle, dans l’espoir de trouver de meilleures conditions de travail…
Personne n’est irremplaçable, mais il serait fort préjudiciable de voir disparaître une équipe compétente, concernée et impliquée, sans faire l’effort d’une véritable réflexion sur nos missions et d’un renfort conséquent de l’équipe.
Nous ne pouvons plus fonctionner de cette façon pour la prochaine saison 2015/2016. Aussi nous vous demandons avant la CAP interne de bien vouloir vous engager au niveau des ressources humaines, concernant l’avenir du pôle TIG. La dernière note de service en la matière (un poste au PSD, un autre au PAP…), laisse à penser que le pôle TIG n’est pas prioritaire et n’a pas besoin de personnel supplémentaire. Nous avons conscience qu’en cette période de restriction, rien n’est simple. En fait, pour ne pas sombrer, nous avons besoin d’un véritable soutien, d’une ligne politique claire (sachant que les aménagements de peine vont croître…). En l’état, nous ne voyons rien qui pourrait nous remobiliser. Nous nous battons simplement pour obtenir des conditions de travail nous permettant d’exercer nos missions dans la dignité.
Rappel de certaines règles européennes relatives à la probation (adoptées le 20 janvier 2010) :
Règle 10. Les services de probation bénéficient d’un statut et d’une reconnaissance correspondant à leur mission et sont dotés de ressources suffisantes.
Extrait du commentaire
Ce principe affirme que le travail de probation doit être considéré comme un élément clé d’un système de justice pénale juste et humain. Ce travail exige des connaissances et des compétences considérables et doit bénéficier d’un statut qui reconnaisse sa valeur et l’expérience des professionnels. Si les prisons sont surpeuplées dans de nombreux pays, ce qui met en danger les droits des détenus et limite la possibilité d’un travail constructif avec eux, la probation peut être également « surpeuplée », ce qui affecte sa capacité à protéger le public et à œuvrer à la réinsertion réussie des auteurs d’infraction.

Règle 29. Les effectifs des services de probation doivent être suffisants pour qu’ils puissent assurer pleinement leur mission. Le nombre de dossiers que chaque agent a à traiter doit lui permettre de surveiller, guider et assister efficacement les auteurs d’infraction, de manière humaine et, si cela est approprié, de travailler avec leur famille et, le cas échéant, les victimes. Si la demande est excessive, il est de la responsabilité de la direction de chercher des solutions et d’indiquer au personnel les tâches prioritaires.

Extrait du commentaire
La charge de travail devrait être évaluée en tenant compte des exigences de chaque cas individuel et pas seulement du nombre de cas ou d’auteurs d’infraction suivis. Selon cette règle, la direction doit élaborer des stratégies pour gérer la demande et répartir équitablement et raisonnablement la charge de travail entre les membres du personnel. Si cela n’est pas possible faute de ressources, la direction devrait activement conseiller l’agent en lui indiquant quelles sont les tâches prioritaires.

Paris, le 31 juillet 2015