* Compte rendu de la réunion du 14 juin sur les RPO valant contribution supplémentaire aux différents amendements et documents annexes adressés à la Direction de Projet de la DAP
Le 14 juin 2017 devait se tenir un CT SPIP avec à l’ordre du jour : le RPO 1 (Référentiel des Pratiques Opérationnelles) et le manuel de Libération sous Contrainte. Suite à la requête de la CGT Insertion Probation, la direction de l’Administration Pénitentiaire par Intérim décidait de l’annulation de ce CT SPIP, entendant les arguments politiques avancés par la CGT.
En effet pour la CGT, l’examen de ce RPO1 n’est toujours pas une urgence puisque la direction de l’administration pénitentiaire est en pleine période d’intérim et que l’absence de cap en matière d’orientation de politique pénale laisse présager un avenir plutôt sombre…
Version imprimable communiqué RPO
Les RPO s’inspirent pour partie du manuel de Contrainte Pénale, adopté il y a presque deux ans au moment où l’ambition initiale de la politique pénale était d’ériger la peine de probation comme peine de référence tout en faisant de la prison l’exception… accompagné d’un renforcement des moyens humains et matériels des SPIP.
Or deux ans plus tard, il n’en est rien ou si peu… La surpopulation carcérale explose et la contrainte pénale, si tant est qu’elle soit encore aujourd’hui prononcée, n’a jamais réellement pris la place qui devait être la sienne.
Pire, cette ambition a été, à tout le moins réorientée, si ce n’est abandonnée, depuis les attentats du 13 novembre 2015. Depuis ces funestes événements, la politique pénale impulsée par le Ministère de la Justice, et relayée par l’administration pénitentiaire, a pris un tournant extrêmement sécuritaire en se portant davantage sur le renseignement et le repérage de nos publics plutôt que sur la réhabilitation sociale.
Au regard de ces éléments, les RPO, qui répondaient à une ambition d’harmoniser les pratiques au sein des SPIP, mais aussi et surtout de définir des organigrammes et une déontologie devant guider nos pratiques, ont également, au cours du mandat précédent, été dénaturés sous l’impulsion de la Direction de Projet chargés des SPIP à la DAP. La volonté à peine voilée est bien d’imposer une nouvelle méthode de prise en charge, décrite comme universelle et exclusive, pour l’ensemble des SPIP et ses personnels.
Face à ces multiples tentatives de dénaturation de nos missions et dans un contexte d’état d’urgence permanent, il est impossible pour la CGT de laisser l’administration pénitentiaire de continuer à dérouler son programme ! C’est pour ces raisons que la CGT a demandé la réouverture des discussions sur le RPO 1 et que la CGT ne lâchera rien tant les enjeux sont fondamentaux pour le sens de nos métiers !
L’examen du RPO et CT SPIP étant finalement reporté à plus tard, la CGT a obtenu que de nouvelles discussions puissent s’ouvrir sur ce chantier. Au cours de cette réunion du 14 juin où seul le directeur de Projet chargé des SPIP était présent pour l’administration, le SNEPAP-FSU a quant à lui préféré ne pas venir considérant que les discussions étaient closes !
Guère étonnant quand on sait que ce RPO 1 est à l’image quasi parfaite de sa ligne politique, expliqué dans son programme électoral édité en vue des élections professionnelles de décembre 2014, où y figurent noir sur blanc les concepts du Risques Besoins Réceptivité ! Guère étonnant non plus que les seuls amendements portés par cette même organisation visent à supprimer purement et simplement les (quelques) références au travail social – que la CGT a réussi à arracher ! L’identification des responsables de projet, qu’ils soient à la DAP, ou en DISP (qui avaient « mené » des groupes de travail) comme des responsables, présents ou passés, de cette même organisation syndicale suffit à expliquer les difficultés pour l’administration à rassembler et fédérer autour de ce projet de référentiel au delà de cette seule organisation syndicale, soutien indéfectible à ce projet. Oui – et la CGT l’a dénoncé lors de cette réunion – un conflit d’intérêt semble bien prégnant dans ce RPO1 !
Ensuite, lors de cette réunion, la CGT Insertion Probation a soulevé que le RPO 1 ne reflétait en aucun cas les pratiques en cours dans les SPIP. Au contraire ce RPO vise à refondre la prise en charge des personnes selon une unique méthode de prise en charge issue de pays anglo saxons, à savoir le RBR, dont l’Administration s’évertue à la présenter comme une solution imparable d’évaluation du risque et de prévention de la récidive.
Il a ainsi été rappelé que les CPIP ne procédaient pas à l’évaluation du risque mais bien selon les textes en vigueur, à l’analyse de la situation sociale, familiale et matérielle de la personne ainsi que du rendu compte du respect d’obligations générales et particulières, au magistrat mandant. L’évaluation est donc un jugement clinique, structuré selon différents items qui peuvent être contenus dans les trames des « fiches diagnostic », « fiches accueil arrivant » etc…
Or, la CGT n’est pas dupe : le RBR sous entend l’utilisation systématique d’outils actuariels qui ne correspondent pas à l’actuelle prise en charge au sein des SPIP. La direction de projet des SPIP ne niant pas que le RBR s’appuie sur des grilles actuarielles d’évaluation ou d’auto évaluation, la simple nomination de RPO paraît hypocrite !
L’administration ne nie pas davantage que l’ensemble des SPIP ayant été désignés sites expérimentaux de prise en charge selon le RBR et dans le cadre de la recherche action PREVA, n’ont d’une part, aucunement plébiscité l’un ou l’autre des outils ; et d’autre part, ne les utilisent plus systématiquement depuis la fin de la dite recherche action !
Sur le rapport de cette recherche PREVA, la CGT a été particulièrement offensive en dénonçant notamment les cumuls de casquettes (entre concepteurs,et vendeurs, évaluateurs de leurs propres outils!), la pseudo-scientificité de cette recherche et surtout les résultats peu probants en terme d’adhésion des personnels !
Pour aller plus loin dans la critique constructive, la CGT insertion probation a interrogé 4 chercheurs universitaires sous forme de longs entretiens afin de recueillir leurs avis sur les risques de l’évaluation de type RBR et plus largement sur l’utilisation outils de prédiction du risque de récidive.
A voir et à lire sur notre site ICI
Version imprimable Journal Politique Pénale les risques de l’évaluation
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Leurs regards croisés sur les enjeux d’égalité de traitement des publics à travers ce type d’outils et les conséquences sur les pratiques professionnelles et le lien avec les usagers nous permettent de ne pas nous arrêter à l’apparente évidence et de continuellement nous questionner. Inspirée d’une logique néo-libérale, la gestion du risque innerve nos professions, les services publics et la société. En réalité ce sont nos sociétés actuelles qui fabriquent le risque et en font une industrie pour tenter de masquer les failles institutionnelles, les politiques d’austérité et les processus d’exclusion derrière la seule responsabilité individuelle.
Pour alimenter les débats dans les services, la CGT met à disposition de l’ensemble des personnels des SPIP ces interviews sous forme d’un journal et compte bien organiser, avec le soutien de nos nombreux syndicats locaux CGT, de multiples initiatives autour de ces questions dès l’automne prochain.
Par conséquent, lors de cette réunion du 14 juin, la CGT Insertion Probation – soutenue par l’UFAP-UNSA Justice, et la CFDT Interco, a une nouvelle fois mis en garde le directeur de projet sur l’absence de consensus actuel sur le RPO 1. Il apparaît nécessaire et indispensable de ne pas imposer l’exclusivité d’une méthode d’évaluation et donc de (ré-)introduire véritablement le jugement professionnel et l’évaluation clinique issus des méthode d’intervention socio-éducative ainsi que l’ouverture à d’autres approches, qui peuvent être considérées comme complémentaires.
Si la CGT Insertion Probation ne nie pas que le RBR puisse constituer une source théorique et une approche à connaître par les CPIP, mais en méconnaître ses limites et l’utiliser façon systématique et exclusive serait une grave erreur et tout simplement impossible en termes de charges de travail pour les personnels !
Pour la CGT insertion probation, les professionnels doivent conserver leur autonomie et leur appréciation (clinique) des situations rencontrées pour évaluer au cas par cas quel axe d’intervention sera adapté et selon quelles méthodes.
Alors que l’impact sur les professionnels de ces méthodes de prise en charge et outils aurait dû être évalué avant tout déploiement et tout plan de formation, l’administration ne s’est pas contentée d’une sensibilisation à l’ENAP ou en formation continue mais tente d’imposer un modèle de pensée unique sans concertation.
En outre, l’argument principal de la direction de projet est de dire que le RBR est directement induit dans les Règles européennes de la Probation (REP) et que ces règles doivent s’appliquer et s’imposer aux professionnels des SPIP, mais là encore l’argument est erroné.
En effet la REP numéro 8 dispose bien que « Les services de probation, leurs missions et leurs responsabilités, ainsi que leurs relations avec les pouvoirs publics et d’autres organismes, sont définis par le droit national ». Or à notre connaissance à ce jour, rien dans le droit national ne prévoit d’évaluation selon le modèle RBR. La primauté du droit national doit être rappelée et ne peut que contraindre l’administration à acter qu’il ne s’agit pas d’un référentiel de pratiques opérationnelles au sein des SPIP.
Enfin, la CGT Insertion Probation, appuyée par la CFDT et l’UFAP, continuera de porter la nécessité d’étudier et d’adopter les RPO 2 et 3 – relatifs aux organigrammes et à la déontologie – avant les RPO 1 selon des argumentaires maintes fois portés auprès la direction de projet.
Pour la CGT insertion probation, l’administration va droit dans le mur, si une fois de plus elle n’entend pas les revendications fondamentales des personnels !
- Etablissement d’un ratio de 40 personnes à prendre en charge accompagné d’organisation de services et d’organigrammes en réponse aux charges de travail délirantes et au manque d’effectifs
- Fin du management autoritaire dans les services (déni du dialogue social, menaces, intimidations, absence de communication avec les personnels…)
- Nécessité de renforcer l’identité professionnelle permettant d’assoir nos pratiques sur un cadre déontologique clair et guidant digne de ce nom et permettant de résister aux dérives sécuritaires (secret professionnel, posture et éthique)
- Formation de qualité ouverte à différentes approches théoriques tout en préservant l’autonomie et l’appréciation des personnels
- Réassurer les professionnels dans leur autonomie et leur niveau de responsabilité, en conformité avec leur nouveau statut de catégorie A, prenant en compte l’impact de nos métiers sur les libertés individuelles
Montreuil, le 3 juillet 2017