http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2019/08/Aout-19-communiqué-PSE.pdf
Voici plusieurs années que le Placement sous Surveillance Électronique (PSE), a le vent en poupe au sein du Ministère de la Justice. De plus en plus de condamnés « bénéficient » de cette mesure présentée comme la solution idéale permettant de concilier surveillance et réinsertion. Mais, sur ce terrain, ce remède miracle donne des cheveux blancs, tant aux condamnés, qu’aux équipes des SPIP chargées de surveiller et suivre les personnes sous PSE.
=> Du matériel défectueux : de la multiplication des alarmes à l’interdiction de baignade
En effet, les bracelets, que l’administration pénitentiaire loue à prix d’or à un prestataire privé, sont loin d’être fiables et les dysfonctionnements du matériel sont fréquents. Les exemples ne manquent pas ! En l’occurrence, des personnes sous PSE se sont vues accusées d’être sorties de leur domicile en dehors des heures autorisées, pour une ou deux minutes parfois, alors qu’aucune explication logique ne pouvait justifier pourquoi ces personnes auraient eu intérêt à effectuer ces sorties éclairs. L’hypothèse d’une défaillance technique était peut-être envisageable… Mais qu’à cela ne tienne ! L’administration, partant du fait que le matériel de surveillance est infaillible, a préféré sanctionner, parfois durement, les personnes placées, bien que celles-ci niaient être sorties de leur domicile.
A l’inverse, on ne compte plus les fois où des personnes sous PSE, censées ne pas pouvoir sortir de leur domicile, ont accès, à toutes heures, à leur palier, leur balcon ou même, aux abords de leur immeuble !
Et que dire de la robustesse des bracelets ? Si ces entraves numériques sont théoriquement étanches et solides, les ruptures de sangles s’accumulent, parfois durant une partie de football, et les dysfonctionnements du bracelet constatés après un passage à la piscine sont légions. La DAP s’est même fendue d’une information en pleine canicule dans laquelle elle indique avoir rappelé au prestataire de renforcer son appareillage tout en demandant aux CPIP en charge des mesures qu’ils préviennent les personnes placées de l’incompatibilité du port du bracelet avec des baignades en piscine, en mer, ou autres cours d’eau. N’est-ce pas paradoxal alors que l’accès au sport et aux loisirs est reconnu comme un facteur de réinsertion sociale par le RPO 1 ?
Et comble du comble, la DAP rappelle dans cette même consigne que les personnes placées sous PSE victimes de ces défaillances techniques peuvent être tenues responsables de la dégradation du matériel ! Les probationnaires sont parfois sanctionnées par un retrait de réduction de peine, voire il leur est même parfois demandé de rembourser le matériel endommagé qui est pourtant de conception défectueuse. Non, vous ne rêvez pas !
Ainsi, la piètre qualité du matériel augmente le temps d’intervention consacré au changement de sangles qui casseront peut être de nouveau les semaines suivantes et à la gestion des alarmes injustifiées. Or l’intervention du SPIP dans le PSE a vocation à être centrée sur la personne et non pas sur la gestion de la défaillance du matériel.
=> Du traitement inégal des placés : mesure restrictive qui en oublie son objectif premier
En plus d’être défaillant, le PSE peut se montrer inéquitable d’un coin à l’autre de la France. En effet, les horaires de sortie des personnes sous PSE dépendent du jugement du JAP et connaissent de grandes variations car aucun texte ne prévoit un volume horaire minimum de sortie : ainsi quand certaines personnes placées bénéficient d’une permission de sortie tous les week-ends, d’autres n’ont aucune heure de sortie ni le samedi, ni le dimanche ! Pourtant, même en prison, l’heure de promenade quotidienne est prévue…
Rappelons que si les horaires de sortie sont inadaptés aux besoins professionnels ou sociaux des personnes placées, ce sont encore une fois les équipes des SPIP qui sont chargées de recueillir et de transmettre les demandes de modifications des créneaux de sortie des personnes condamnées. Lorsque les demandes de changement d’horaire deviennent quotidiennes, cette tâche peut rapidement devenir chronophage !
Aussi, face à tant de disparités dans la détermination des horaires de sortie des personnes condamnées, il semble nécessaire de rappeler que le PSE est un aménagement de peine. Il doit permettre au condamné d’éviter les effets désocialisant de la détention, en lui permettant de mener ses activité professionnelles ou familiales tout en lui assurant un cadre.
Il n’y a que lorsque ce cadre est adapté et équilibré qu’il est possible de le faire comprendre et accepter par les personnes sous PSE. Cloîtrer les condamnés chez eux 19 ou 20 heures par jour ne fait que créer de la frustration et ne permet pas leur réinsertion sociale !
=> Du sens de la peine
Tous ces écueils n’empêchent pourtant pas la multiplication de PSE : les juridictions en prononcent de plus en plus, même pour des temps très courts. On ne compte plus les PSE prononcés pour des durées inférieures à 3, voire 1 mois.
Il est nécessaire de rappeler que les CPIP qui doivent suivre les personnes sous PSE ont souvent plus de 100 condamnés à suivre simultanément. Les personnes devant effectuer un PSE de 3 mois ne pourront donc être vues qu’une fois ou deux par leur conseiller au cours de leur mesure. Comment, dans ses conditions, construire un projet de réinsertion avec les personnes sous PSE ? Comment travailler sur les problématiques ayant favorisé la commission de leur délit et ainsi prévenir la récidive ?
Pour les PSE de longue durée, le bilan n’est pas plus brillant. En effet, les entretiens entre les CPIP et les personnes sous PSE sont souvent pollués par des questions relatives à des dysfonctionnements du matériel ou à des demandes des condamnés visant à modifier leurs horaires de sortie pour des motifs plus ou moins anecdotiques. Ainsi, durant les entretiens, il n’y a plus de place pour les réflexions qui permettraient aux condamnés de construire avec son CPIP un projet durable de réinsertion.
A l’heure où le nombre de PSE prononcés va encore augmenter suite aux dispositions de la loi de réforme de la justice, il paraît nécessaire de dénoncer le fantasme d’efficacité qui entoure le PSE. Cette mesure ne permet pas une surveillance efficace des condamnés. Elle induit des inégalités de traitement entre les personnes placées tout en ne facilitant pas nécessairement la réinsertion durable de ces dernières.
Dans ces conditions, il ne s’agit que d’un outil de gestion des flux de détenus pour continuer d’incarcérer mais hors des prisons, car celles-ci sont déjà pleines !
La CGT appelle donc l’administration à mener une enquête sur la fiabilité technique réelle du PSE et souhaite que la place de cette mesure dans l’éventail des aménagements de peines soit reconsidérée.
Ne laissons pas le PSE devenir la peine de référence en milieu ouvert !