La CGT IP était reçue ce mardi 2 novembre par M Alain Marc, sénateur et rapporteur de la Commission des Lois sur le Projet de Loi de Finances 2022 pour évoquer le budget de l’Administration Pénitentiaire.
Dans la lignée du communiqué inter-associatif du collectif Prison Justice1 dans lequel s’est inscrite la CGT IP, cette audition a été l’occasion de rétablir certaines vérités derrière les chiffres présentés par l’Administration Pénitentiaire et le Ministère de la Justice.
Loin de renverser les paradigmes, ce budget continue, comme chaque année, d’être grevé et confisqué par une vision purement sécuritaire et carcérale de la question pénitentiaire
Si le Ministère et l’AP se rengorgent de l’évolution historique du budget de la Justice avec une hausse annoncée de 8% pour le budget Justice et de 7,4% en ce qui concerne l’AP, force est de constater que cette évolution ne sera pas celle de l’insertion et des SPIP.
* Entre garde et réinsertion, aucune recherche d’équilibre, le choix opéré est sans équivoque
Ainsi la politique immobilière de l’AP (hors SPIP), et son entêtement à vouloir construire toujours plus de places de prison, couplée à des dotations et des expérimentations sécuritaires ultra-coûteuses, viennent absorber le gros du budget.
La CGT IP ne cessera de le rappeler : les nouveaux établissements ne permettront pas de résorber la surpopulation carcérale ou d’améliorer les conditions de détention mais ne participeront qu’à faire croître, encore et toujours, la courbe du nombre de personnes détenues. Sans compter les partenariats public-privé, véritable bévue historique et budgétaire quand on sait qu’à eux seuls, ils absorbent 12 % des dépenses hors-personnels pour seulement quelques établissements pénitentiaires.
A contrario en ce qui concerne la réinsertion (enseignement, lutte contre la pauvreté, travail et formation professionnelle, accès au droit, activités ou encore maintien des liens familiaux en détention) l’augmentation annoncée du budget n’est là encore qu’en trompe l’œil :
S’il est vrai que le budget alloué à la réinsertion passe de 93.6 M d’€ à 108.5M, sa part dans le budget global (hors dépenses en personnels) n’évolue pas d’un pouce. Il stagne autour des 6% , royal !
L’augmentation en chiffre correspond, elle, d’une part à la réévaluation de la politique d’aide financière aux détenus les plus démunis et d’autre part à la mise en œuvre du statut du détenu travailleur prévu par la loi dite de confiance dans l’institution judiciaire.
Si la CGT IP ne peut que soutenir le fait d’accorder, enfin ! , des droits aux personnes détenues ayant conclu un contrat de travail au sein d’un établissement et regrette même que le projet de loi n’aille pas assez loin dans les droits octroyés, elle ne peut que souscrire à l’augmentation du pécule versé aux personnes détenues sans ressources. Il convient de rappeler que ces deux dispositifs ne relèvent pas directement de la réinsertion.
En revanche la CGT IP ne peut que souligner qu’en ce qui concerne la formation professionnelle, l’accès aux droits, l’hébergement… pas d’augmentation de budget cette année.
* Le budget aménagement de peine
Là encore rien de nouveau sous le soleil, aménagement de peine rime toujours avec surveillance électronique (plus de 67% du budget). Le prisme de la détention, en établissement ou à domicile, a le vie dure dans la pénitentiaire.
Pire, le concept même d’aménagement de peine est totalement dévoyé quand on voit que le budget alloué au Bracelet Anti Rapprochement est ponctionné sur celui-ci (près de 12%).
Le placement extérieur, dont le développement est pourtant réclamé à cor et à cri depuis des années puisqu’il s’inscrit pleinement dans la logique d’accompagnement global et d’insertion que défend la CGT IP, lui voit son budget quasiment stagner et ne représente que 20% du budget.
* Sur le fonctionnement des SPIP
Alors que selon la DAP, les effectifs des services s’étoffent de jour en jour, le budget des SPIP étonnamment ne progresse quasiment pas : + 0,2% et ce alors même qu’il tient compte des « recrutements importants effectués ». Entre mépris des services, calcul inexact des effectifs et des besoins et enfumage budgétaire, il n’y a qu’un pas.
La CGT IP a insisté sur la nécessaire mise en œuvre d’un plan immobilier dédié aux SPIP, qui commencerait par un état des lieux de l’existant, des prévisions en besoins et suivrait par une mise à niveau des services qui œuvrent au quotidien dans des conditions inacceptables (fuites, absence de chauffage …)
* Sur le supposé renforcement en personnels au sein des SPIP
Le budget 2022 marque la fin du plan de création de soit-disant 1500 postes dans les SPIP. Dès l’annonce de ce plan, la CGT IP avait dénoncé l’enfumage que représentait ce plan et les chiffres faux sur lesquels il se basait2.
Nous constatons amèrement que nous avions vu juste : pour 2022 ce sera 0 création de poste pour les SA et les AA, 40 postes de DPIP, 6 postes d’agents chargés de la surveillance électronique alors que DDSE et BAR s’empilent, et seulement 170 postes de CPIP ce qui nous gardera bien loin de l’objectif de 60 personnes suivies par CPIP.
L’administration pénitentiaire, loin de reconnaître l’insuffisance des recrutements pour atteindre cet objectif, reste persuadée qu’elle est dans les clous ! Le budget 2021 s’était fixé pour objectif chiffré un ratio de 63 personnes suivies pour 1 CPIP à la fin de l’année. Il suffit d’ouvrir les armoires pour mesurer, ne serait-ce qu’à l’oeil nu, à quel point l’administration est dans les choux !
* Sur l’indemnitaire
Nous avons rappelé que les personnels des SPIP passent depuis plusieurs années à côté d’une évolution statutaire en phase avec l’évolution de leurs métiers. Ainsi nous avons dénoncé le décrochage de la PSS entre les personnels de surveillance (28,5%) et les autres personnels (ex. CPIP : 22%). Nous avons également dénoncé l’IFSE divisée par 2 pour les personnels administratifs en SPIP et leur éviction de fait des plans de requalification des C en B ou des B en A faute de communication et de volonté de notre administration.
Nous avons rappelé que les personnels de direction restent dans l’attente d’une nécessaire discussion statutaire qui passe d’abord par une discussion sur le métier.
Entre les lignes d’un projet budgétaire, on peut toujours lire les axes d’une politique.
Pour la pénitentiaire malheureusement, on voit que les choix politiques n’ont pas changé. Toujours plus vite, plus haut, plus fort dans l’impasse sécuritaire et carcérale, dans l’illusion technologique, dans l’investissement a minima de la réinsertion faisant encore et toujours du SPIP et de ses missions d’accompagnement les parents pauvres de cette administration.
La CGT IP continuera de dénoncer le budget indigent alloué aux SPIP et l’impact délétère sur les missions, les services, les charges et les conditions de travail des personnels mais aussi les prises en charge des publics.