Le 10 mars 2015 s’est tenu le premier CT SPIP, nouvelle instance créée à la suite des dernières élections professionnelles. Ce Comité technique est compétent pour toutes les questions touchant à l’organisation et au fonctionnement des SPIP, et la CGT y est majoritaire avec 4 élus sur 8. La CGT l’a rappelé dans sa déclaration liminaire : les élus étaient impatients de siéger tant les chantiers et les enjeux pour le SPIP sont importants.
Si une tension très forte était palpable sur l’élaboration du règlement intérieur, force est de constater que les discussions ont été plus ouvertes et davantage constructives lors de l’examen des points à l’ordre du jour.
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Sur le règlement intérieur du CT : un enjeu de pouvoir, réellement ?
La CGT a déposé plusieurs amendements permettant d’améliorer la qualité du dialogue social et permettant aussi aux organisations syndicales d’être forces de propositions : augmenter le nombre de CT dans l’année, permettre aux suppléants d’avoir la parole et prendre part activement aux débats, obtenir les documents préparatoires au moins 15 jours avant, demander la modification de l’ordre dans lequel sont examinés les points à l’ordre du jour…
C’est ici que la tension a été a son comble. L’administration a adopté une posture de fermeture et a entamé un dialogue de sourd avec les organisations syndicales. Pour la CGT, le CT SPIP n’est pas et ne doit pas être un enjeu de pouvoir. Si le CT doit être appréhendé comme un véritable lieu de discussions, il ne peut pas l’être si l’administration fait preuve d’autoritarisme, obligeant alors les OS à entrer dans un rapport de force.
La très grande majorité des amendements a été rejetée et la CGT a donc voté contre le règlement intérieur tout comme deux autres organisations syndicales (7 voix contre et 1 voix pour). Bon, ça commence plutôt mal cette nouvelle mandature !
La fermeture de la MA de Lure
A la suite de la fermeture de la MA de Lure, un projet de texte était soumis au vote qui modifie le ressort géographique du SPIP de Lure en retirant la MA de Lure de ce ressort.
La CGT s’est battue pour le maintien de cette antenne SPIP et continuera d’être vigilante sur ce dossier. En revanche ce texte soumis au vote étant un simple texte d’application concernant la fermeture de la MA de Lure dont la vétusté était criante, la CGT a voté pour ce texte.
La création de l’antenne SPIP à Saint Laurent du Maroni (Guyane)
Actuellement, les personnels du SPIP de Rémire Montjoly effectuent des permanences délocalisées à Saint Laurent du Maroni. En raison de la création d’une chambre judiciaire détachée à Saint Laurent du Maroni et des conditions d’accès difficiles pour les agents effectuant ces permanences délocalisées, une antenne SPIP est ainsi créée avec deux postes proposés à la CAP pour prise de fonction en septembre 2015. La DAP a également indiqué que Saint Laurent du Maroni allait devenir la plus grande ville de Guyanne à moyen terme, et qu’il semblait donc logique d’ouvrir une ALIP en prévision de cet état de fait.
La CGT a voté pour ce texte.
Modifications du code de déontologie
Un projet de décret modifie le code de déontologie à la suite de plusieurs décisions du Conseil d’État ayant statué sur l’interdiction faite aux personnels pénitentiaires et aux intervenants extérieurs d’entretenir de relations non justifiées par les nécessités de services avec les personnes placées sous main de justice. En effet les juridictions administratives avaient annulé ces dispositions (de l’article D221 du CPP) car celles-ci posaient une interdiction trop générale et absolue sans limitation de temps contraire à l’article 8 de la convention européenne des droits de l’homme.
Afin d’établir une limite temporelle, l’administration propose que cette interdiction soit durant l’exercice de leur missions pour les intervenants extérieurs et d’une durée de 5 ans après la fin de la peine ou la fin du suivi pour le personnels pénitentiaires. Cette limite de 5 ans correspondrait au taux moyen de rotation des agents.
Mais, saisissant cette occasion de modification du texte, l’administration en profite pour ajouter de nouvelles obligations exorbitantes aux personnels pénitentiaires :
- l’obligation d’informer son chef de service des relations non justifiées par les nécessités de service entretenues avec des PPSMJ,
- l’obligation d’informer son chef de service des liens familiaux avec les PPSMJ du service dont il relève,
- l’obligation d’informer son chef de service lorsqu’il demande un permis de visite
- l’obligation d’informer de sa qualité de personnel pénitentiaire l’autorité chargé de délivrer un permis de visite.
Cela fait beaucoup de nouvelles obligations pour simplement vouloir éclairer les personnels sur un prétendu flou qui existerait dans les précédents rédactions : remplacer le flou par le durcissement, intéressant non ?
Étendre des obligations portant ainsi atteinte au respect du droit à la vie privée et familiale des personnels et de notre public tout en niant le droit à l’oubli pour les personnes prises en charge est tout a fait choquant. L’administration démontre une nouvelle fois son autoritarisme et une volonté de démesure ! Jeter une suspicion généralisée sur le public pris en charge et sur l’ensemble du personnel n’est pas un bon signe à envoyer par ces temps de soi-disant changements.
La CGT s’est toujours opposée à ce code de déontologie, qui reprend en grand partie le statut spécial que nous combattons. Non, le statut spécial ne conditionne pas l’octroi de certaines primes, contrairement à ce que certains disent ! Le statut spécial permet avant tout d’étouffer toute velléité revendicative, et n’a absolument rien à avoir avec des avantages financiers !
De la même manière, le code de déontologie – qui porte très mal son nom – n’est qu’un recueil des droits et obligations des fonctionnaires, et a uniquement une portée disciplinaire et répressive envers les personnels.
La déontologie, ce n’est pas cela ! La déontologie doit être pensée et construite par et avec les professionnels, et elle permet d’adosser de manière éthique une posture professionnelle. La déontologie est une aide et un soutien aux professionnels et non un carcan répressif !
La CGT a bien sûr voté contre ce texte comme deux autres OS. Mais, en raison d’une abstention, le vote unanimement défavorable n’a pu être obtenu. Regrettable de ne pas jouer l’unité syndicale !
A l’ordre du jour étaient examinés deux autres points non soumis au vote des organisations syndicales.
Création d’un concours à affectation locale en Polynésie française et en Nouvelle Calédonie
Ce projet de décret est soumis au vote des organisations syndicale lors du Comité Technique Ministériel du 17 mars 2015.
Ce type de concours existe déjà pour les personnels de surveillance sur Saint Pierre et Miquelon, Nouvelle Calédonie et Papeete. L’administration souhaite l’étendre aux autres personnels pour la Nouvelle Calédonie et principalement pour l’ouverture du CP de Papeari en Polynésie (2016). La volonté est d’encourager une insertion professionnelle localement plus représentative, les attentes économiques et politiques étant fortes sur place. Les candidats devront choisir entre le concours national ou le concours à affectation locale, et les originaires continueront d’être prioritaires en CAP nationales.
Ce recrutement local correspond aux orientations de la CGT et à ce qu’elle revendique depuis longtemps pour la CAP des CPIP.
Manuel de contrainte pénale et recherche action PREVA : l’administration doit le comprendre : elle ne pourra pas avancer sans les organisations représentatives des personnels !
Ces deux points à l’ordre du jour étaient des simples points d’information car le vote sur la manuel de contrainte pénale est prévu pour le CT SPIP du mois de juin. La CGT avait souhaité que ces deux points soient pleinement intégrés à l’ordre du jour au vu des enjeux forts pour les personnels des SPIP. L’administration nous a informés qu’il est prévu que ce manuel soit discuté en DI et en SPIP avec les équipes. La direction de projet des SPIP a prévu de nombreux déplacements entre le 2 avril et le 25 juin pour rencontrer les personnels pour diffuser le manuel et l’enrichir. L’administration ajoute : ce manuel est encore un projet amendable et discutable. Soit !
Pour autant, sur la forme, l’unité syndicale a été forte : l’administration ne peut pas et ne doit pas se passer de la consultation des organisations syndicales. Comme la CGT l’a rappelé, l’administration a face à elle lors d’un CT SPIP l’ensemble des personnels des SPIP, par le biais des organisations syndicales fortes de leur légitimé découlant des élections professionnelles. Il est donc impensable que les OS soient laissées de côté pour l’élaboration d’un manuel qui modifie en profondeur les pratiques professionnelles. C’est pour cela que la CGT a toujours privilégié lors de ce premier CT l’échange et sa force de proposition.
Tout d’abord, la CGT, comme elle l’a déjà écrit et expliqué, s’interroge et s’inquiète sur la démarche théorique adoptée par l’administration. En effet, la CGT n’a eu de cesse de questionner les choix politiques et idéologiques de la DAP sous-tendus dans ce manuel de contrainte pénale. Il est impensable d’accepter des fondements théoriques d’une pratique professionnelle si ceux-ci ne correspondent pas à la vision d’un métier. C’est pour cela que la CGT ne cesse de demander à la DAP : pourquoi le modèle « Risques Besoins Réceptivité » (RBR)? Et pourquoi pas autre chose ? La CGT souhaite au contraire une véritable négociation sur la multiplicité des outils offerts aux travailleurs sociaux des SPIP pour exercer leur métier.
L’administration, elle, s’arc-boute sur un seul argument : le RBR découlerait naturellement et de manière inéluctable des Règles Européennes de la Probation (REP). Or la CGT n’est pas d’accord sur ce point. Les REP n’aboutissent pas forcément à l’élaboration d’outils basés sur le RBR. Les REP remettent au centre la personne prise en charge et visent à la mise en place d’une relation de confiance avec celle-ci afin d’assurer sa réinsertion sociale et ainsi de prévenir la récidive ; elles sont un corpus théorique et déontologique bien plus vastes que ce à quoi veut les réduire l’administration ! Celle-ci aurait très bien pu s’appuyer davantage sur les règles de l’ONU de Tokyo, qui replacent le travail social comme étant la méthodologie qui fonctionne auprès des personnes condamnées.
Non, la CGT n’est pas opposée à l’évolution des pratiques, mais elle s’inquiète des risques de dérives que ce type d’outils peut avoir en terme de déqualification professionnelle et de dénaturation des missions de réinsertion sociale. Soyons vigilants en termes de garanties des libertés individuelles, car ce type de grille amène assez mécaniquement à des décisions plus sécuritaires. Il important aussi de mesurer le risque de dérive liée à une utilisation abusive de l’outil servant à mesurer à la fois l’activité des SPIP et le risque de récidive. Cela ne pourrait être compatible avec les recommandations de la CNIL et la jurisprudence liée au DAVC.
En outre, il est clair que l’administration s’acharne sur ce type d’outils car elle n’a tout simplement rien trouvé d’autre ! Et c’est d’ailleurs pour cela qu’elle répète à tout va qu’il s’agit d’une expérimentation, que tout est encore discutable… comme si finalement elle attendait que la CGT lui fournisse clé en main une jolie grille d’évaluation que les personnels accepteraient !
Car il s’agit bien de cela : la volonté affichée de l’administration est de crédibiliser l’action des SPIP et de légitimer l’octroi de budgets : c’est donc bien une commande politique forte !
La CGT se félicite donc d’entendre lors de ce CT que si l’expérimentation n’est pas concluante, si cela ne convient pas aux personnels, si cela ne marche pas…. et bien ce projet sera de nouveau modifié, rediscuté, voire abandonné… Pourtant ce discours est discordant par rapport aux retours que la CGT reçoit concernant l’expérimentation PREVA. La recherche action PREVA est à ce jour déployée sur 6 SPIP (3 sur la DI de Paris et 3 sur la DI de Bordeaux). Cette recherche vise à tester différents outils d’évaluation, inspirés de la méthode RBR et s’apparentant à de la grille actuarielle ou semi-actuarielle. Même si l’administration insiste sur la valeur expérimentale de cette recherche-action, la CGT reste dubitative sur la méthode employée. La CGT le sait : il existe une forte pression sur les personnels des sites pilotes.
Puisque tout est discutable, la CGT a saisi la perche tendue ! La CGT a réussi à faire entendre à l’administration deux choses. D’une part, l’administration ne peut pas faire sans les organisations syndicales et il a donc été décidé de la mise en place d’un groupe de travail issu du CT SPIP sur les questions du manuel de contrainte pénale et sur la recherche action PREVA. D’autre part et surtout, l’administration a admis la nécessité « d’expérimenter » la méthodologie de l’intervention en travail social. Bon, c’est comme si la DAP allait redécouvrir ce que font les CPIP ! La CGT sera force de propositions concrètes sur ces sujet.
Oui, la CGT assume la dimension criminologique de l’action des SPIP ! N’en déplaise à certains, cela n’est pas nouveau, et voici ce que nous écrivions en 2008 : « si l’on considère la criminologie comme une science qui regroupe les apports du droit, de la psychologie, de la sociologie, etc. en rapport avec les questions de délinquance, alors oui notre travail comporte une part de criminologie. Si aborder les faits commis, le contexte du passage à l’acte relève de la criminologie alors nous faisons de la criminologie. » Cependant, la CGT le martèle : l’ADN des travailleurs sociaux des SPIP est bien le travail social et ses méthodologies d’intervention – car lié à la sociologie du public pris en charge. Mais il serait une de fois de plus caricatural et mensonger de faire croire que le travail social éloigne les professionnels de « jugement structurés » ou d’une quelconque méthodologie.
Enfin, il est indéniable qu’un tel bouleversement des pratiques ne pourra se faire sans l’adhésion des personnels et surtout sans de meilleurs conditions de travail. Actuellement, la DAP ne peut nier les réalités professionnelles : les SPIP sont exsangues, les personnels connaissent des charges de travail délirantes et ne peuvent faire face à une telle pression. Si l’arrivée des 1000 emplois devraient donner un bol d’air tout relatif aux personnels, si les recrutement sont effectivement massifs, à ce jour, ils ne pourront pas être suivis de conséquences visibles
- si la politique pénale ne change pas,
- si des organigrammes ne sont pas élaborés,
- si la formation reste en l’état toujours très pauvre et
- si enfin la pré-affectation n’est pas abandonnée. Car il est indispensable que nos futurs collègues reçoivent une formation de qualité, gage d’un service public digne de ce nom !
La CGT ne lâche rien ! Elle continuera d’occuper le terrain et sera combative pour défendre le sens de nos métiers et les valeurs de nos missions !