Une trentaine d’organisations, dont la CGT IP, se mobilisent depuis un an pour que l’accès à Internet soit autorisé en détention. Pour l’heure, les avancées restent très timides et les entraves aux droits fondamentaux des personnes détenues continuent.
« L’accès à Internet entre les murs est primordial pour reconnaître les personnes détenues comme sujets de droits, limiter l’exclusion sociale causée par l’incarcération et faciliter le retour à la vie libre », soulignaient près de 650 personnes dans une lettre ouverte à la Première ministre le 28 septembre 2022. Rassemblés par leurs expériences diverses et complémentaires de la prison, enseignants, travailleurs sociaux, personnels de santé, intervenants bénévoles, avocats, magistrats, anciens détenus ou encore dirigeants de structures d’insertion partageaient le même constat : l’interdiction d’accéder à Internet en prison entrave les droits fondamentaux des personnes détenues, en particulier en termes d’accès à l’information, à l’éducation ou encore à l’insertion sociale et professionnelle. Ainsi était lancée une campagne collective, portée par une trentaine d’organisations du milieu prison-justice, pour appeler à résorber la fracture numérique au sein des établissements pénitentiaires. Un an plus tard, l’accès généralisé à Internet en prison reste toujours absent de l’agenda politique.
Lors d’une rencontre avec les représentants du collectif « Internet en prison », le cabinet du garde des Sceaux et la direction de l’administration pénitentiaire annonçaient la mise en place de deux dispositifs expérimentaux à compter d’avril 2023. S’ils actent une volonté politique d’atténuer cette fracture numérique, ils restent particulièrement timides et leur mise en œuvre tarde. La première expérimentation concerne la formation professionnelle au codage informatique d’un panel de personnes détenues, avec accès à une liste de sites sélectionnés, en mode consultation. La seconde consiste à autoriser l’accès à France Connect dans trois structures d’accompagnement vers la sortie – quartiers pénitentiaires tournés vers la réinsertion pour des personnes en fin de détention.
Ces expérimentations pourraient être généralisées à d’autres formations professionnelles et à l’ensemble des structures d’accompagnement vers la sortie. Mais même si c’était le cas, cela ne concernerait à terme que 3% des plus de 74 000 personnes détenues.
Comme le soulignait le collectif « Internet en prison » dans une tribune en mars dernier (Lire la tribune ici), « l’accès à Internet entre les murs est ainsi pensé de manière marginale et morcelée. Condition de l’effectivité de nombreux droits, il devrait au contraire être abordé comme un projet global, et devenir la règle et non l’exception. Son caractère pluridisciplinaire […] requiert une impulsion politique au plus haut niveau et un pilotage interministériel. » L’autorisation d’Internet en prison dans d’autres pays comme l’Allemagne, l’Australie, la Malaisie, la Suisse ou encore l’Ukraine, le montre, et les experts en cybersécurité sont catégoriques sur ce point : les contraintes de sécurité ne sont pas insurmontables.
En attendant, les personnes détenues continuent de subir les conséquences de cette interdiction d’accéder à Internet en prison. Elles se retrouvent, entre autres, dans l’impossibilité de suivre des enseignements en ligne, de réaliser des démarches administratives ou encore de bénéficier d’informations et d’outils accessibles à tous, notamment pour les personnes allophones ou sourdes. Pourtant, parce que ce lien avec l’extérieur permettrait de leur donner les conditions de préparer – par elles-mêmes – leur sortie et leur réinsertion, et donc de réduire les risques de récidive, ce serait aussi un service rendu à la société dans son ensemble. Omniprésent et incontournable à l’extérieur, l’accès à Internet constituerait un outil d’émancipation, d’autonomisation, de maintien du lien social et d’atténuation de la ségrégation due à l’enfermement physique. Aujourd’hui, comme il y a un an, cette évolution est aussi urgente qu’indispensable.
Pour aller plus loin, l’intégralité du dossier de presse est consultable ici : Le dossier de presse téléchargeable