La CGT a été reçue le 25 août par RH7 et la direction de projet SPIP pour être entendue sur ses commentaires concernant le PNF 2016. Précisons que celui-ci est déjà passé au vote du CT-AP du 16 juillet 2015, et qu’il devra faire l’objet d’un vote au CT-SPIP du 16 septembre prochain. Ce plan a vocation à être le document-cadre qui fixe les priorités en matière de formation initiale et continue, qui doit donc servir au cahier des charges de la formation à l’ENAP, mais aussi être décliné dans chaque DISP en fonction de leurs arbitrages. Il décline un « socle permanent » et des « priorités pluriannuelles », c’est-à-dire thématiques constantes et thématiques ponctuelles – au gré des commandes politiques, de l’actualité dans les services et établissements, et des priorités de la DAP.
(Version imprimable et téléchargeable Communiqué PNF 2016)
En préambule, la CGT s’est étonnée d’avoir affaire à un langage très « techno » issu de l’entreprise privée, qui veut que les « managers » trouvent des « leviers de management » pour « construire avec leur collaborateurs » telle ou telle chose. Strictement sic ! Nous avons donc indiqué que notre vision du service public n’appelait pas le langage des franchises Mc Donald’s, et que pour notre part nous n’étions les « collaborateurs » de personne…
Sur le fond, ce document amenait un certain nombre de remarques, mais le temps imparti – 1 h ! – était très restreint. Les organisations syndicales se succédaient, et de nouveau nous nous interrogeons sur la méthode : qu’est-ce qui empêchait une réunion multilatérale qui aurait pris son temps, avec tous les représentants du personnel ? La force de l’habitude, sans doute…
Pour ce qui est du « socle permanent » lié à la connaissance des publics, le PNF indiquait les priorités suivantes : les mineurs et les jeunes majeurs ; les délinquants sexuels ; les conduites addictives et les phénomènes de dépendance. La CGT a souhaité faire ajouter : les publics précarisés et les troubles mentaux. Il nous semblait ainsi brosser plus largement les « profils » de notre public. Cette proposition a été retenue.
Nous nous sommes ensuite centrés sur les formations en lien avec la réforme pénale du 14 août 2014 (CP et LSC), celles qui ont trait à la lutte contre les phénomènes de radicalisation, et sur « les enjeux du projet GENESIS. »
Concernant la 1ère, on ne s’étonnera pas de voir la formation en adéquation avec le futur Manuel de mise en œuvre de la contrainte pénale. Seulement voilà : c’est toute la formation qui est australo-américano-canado-criminologique, à l’exclusion de toute autre chose. On n’y trouve que de l’évaluation RBR, de l’entretien motivationnel, de « l’approche cognitivo-comportementale », et de la justice restaurative. Ainsi les professionnels pourront « identifier et intervenir sur les pensées automatiques, les discours intérieurs (les tendances, les représentations, les convictions) afin d’initier un travail de restructuration cognitive avec la personne accompagnée » (sic ! ). Une fois de plus, la CGT a indiqué que ces théories auraient été intéressantes en sus d’une solide formation initiale et continue de CPIP ; or il ne s’agit visiblement pas d’un apport, mais d’une substitution. Ce n’est pas l’approche RBR en plus des techniques classiques d’entretiens individuels, des prises en charges collectives, du travail social, de la connaissance des publics, de leur entrée en relation, du jugement clinique, etc. Non, c’est bien l’approche RBR à la place des actes professionnels quotidiens des CPIP. Nous avons donc (re-)dit qu’il s’agissait pour nous d’un appauvrissement des pratiques, plutôt que d’un enrichissement, et qu’il était hautement dommageable de vouloir « replier » le corps sur un modèle unique, de la « psychologiser » à outrance, et de vouloir le transformer en criminologue canadien. L’administration, via la direction de projet SPIP, nous soutient bien évidemment du contraire, et souligne qu’il s’agit d’un plus, et pas d’un remplacement. Mais on se répète, on tourne en rond, on refait les mêmes débats… Il semble que sur ces questions nous n’ayons plus affaire qu’à un dialogue de sourd…
Alors il y a les discours, et il y a les faits : il y a la DAP qui nous a dit que tout était discutable, alors qu’aujourd’hui tout semble acté ; il y a un Manuel pas encore voté au CT-SPIP, des référentiels qui n’en sont – apparemment – qu’aux prémices, des « discussions » et une recherche action PREVA toujours en cours, et un PNF qui clôt les débats. Il y a l’administration qui dit chercher le compromis entre les différents apports des représentants du personnel, et la même administration qui ne retient rien sur le fond de ce qui lui a soumis la CGT, pourtant première organisation syndicale représentative dans les SPIP.
D’autre part, nous avons été très étonnés de voir la justice restaurative faire son apparition dans un tel document, alors que jamais elle n’a été évoquée avec nous, si ce n’est une mention dans le plan du RPO1 – mention jamais discutée. L’administration nous indique que c’était une volonté de PMJ, qui souhaitait mettre de l’ordre dans le développement anarchique de cette pratique. Mais sur la teneur du développement, des sites qui en sont à l’initiative, de l’intérêt des professionnels pour celle-ci, nous n’aurons aucune réponse.
Concernant la lutte contre les phénomènes de radicalisation, et s’agissant d’un plan général de formation, nous ne saurons pas quelles sont ces formations, en quoi elles consistent par qui elles seront dispensées, qu’est-ce qui est considéré comme une information utile et qu’est-ce qui ne l’est pas, comment s’organise le renseignement pénitentiaire, etc. Nous saurons seulement qu’il y a des publics « à former » et des publics « à sensibiliser », que la commande politique impose une impulsion très forte sur cette question, et que certains sites sont prioritaires – pour lesquels nous ne connaissons pas les critères.
Nous avons souhaité mettre nos remarques en lien avec « le déploiement et l’utilisation des applicatifs informatiques », un autre axe majeur du PNF. Nous voulions souligner que pour nous cette matière était sensible et difficile, et que s’il était nécessaire de former les agents au partage, il était plus qu’important de les former aussi aux limites de ce partage et au secret professionnel. Que dit-on et à qui le dit-on ? Que ne dit-on pas ? Qu’est-ce qu’un recueil d’infos et qu’en fait-on ? Comment sont traitées et conservées les données ? Sans ces réserves, la CGT a (re-)dit qu’elle se montrait circonspecte à l’égard du déploiement du renseignement pénitentiaire et de ses possibles effets pervers.
Sur la question délicate des limites, nous en avons fait une remarque générale : la formation oui, y compris la formation aux méthodologies issues du RBR – mais pas uniquement –, à condition qu’à toute chose enseignée soit enseignées les limites et les points de faiblesse de cette chose. C’est pour la CGT le minimum de la rigueur et de l’honnêteté intellectuelle, mais nous doutons de la trouver aujourd’hui auprès de l’administration pénitentiaire.
La CGT demeure vigilante et combative aux côtés des personnels pour défendre une formation initiale et continue de qualité assurant un service public de qualité !
Montreuil, le 31/08/2015