Chantier engagé par la DAP, plus précisément par la direction de projet en charge des SPIP, fin 2015 ; la version définitive du Référentiel des Pratiques Opérationnelles a été récemment transmise aux organisations syndicales pour présentation au Comité Technique des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.
L’objectif de l’administration est de clarifier l’intervention du SPIP afin qu’une lecture claire puisse en être effectuée, destinée aux agents dans le cadre de leur travail, ainsi qu’aux personnes extérieures à nos services afin d’expliciter et crédibiliser notre intervention.
L’idée est donc d’asseoir et de mettre en avant une méthodologie (savoir-être et savoir-faire) commune à tous les SPIP.
Version imprimable communiqué RPO1
Ce travail se base en grande partie sur les Règles Européennes de la Probation (REP), qu’il vise à intégrer aux pratiques en place dans nos services. Cette démarche trouve un écho très favorable de la CGT pour tout ce qui concerne les « savoir-être » qui décrivent le positionnement professionnel attendu face à notre public. Cette partie décrit la nécessaire recherche d’un lien de confiance favorisant une adhésion de la personne suivie à la prise en charge, garantir les droits fondamentaux de la personne prise en charge, développer une relation collaborative, apporter une aide à la personne dépassant le strict enjeux du respect des obligations. Autant de revendications portées de longue date par la CGT.
Le volet « savoir-faire » est quant à lui beaucoup plus sujet à polémique, la DAP ayant adopté un point de vue très orienté dans la lecture des REP. La place et le sens du terme « évaluation » sont ici cruciaux, cette étape déterminant logiquement la prise en charge de la personne.
La critique majeure que la CGT oppose à cette partie « savoir-faire » est l’absence de référence aux méthodologies en cours dans nos services, c’est-à-dire une analyse principalement clinique, historiquement issue des méthodologies d’intervention du travail social. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens dans le cadre des réunions autour de ce texte. Quasiment aucun n’aura été retenu et lorsque tel est le cas, leur positionnement en introduction dans la partie « fondements », démontre à quel point l’administration considère nos pratiques actuelles comme dépassées et inopérantes.
Le volet méthodologique du RPO ne contient donc que ce que la DAP considère comme Opérant : c’est-à-dire une évaluation de type RBR (Risque Besoin Réceptivité) modèle qui est selon elle inscrit dans les REP. Peu importe pour la DAP que cette lecture de la règle 66 soit contestable, peu importe pour la DAP le reste des REP, peu importe pour la DAP que le RBR ne soit quasiment pratiqué dans aucun service, ni encore que cette méthodologie reste largement critiquée par la communauté universitaire.
La CGT a une lecture beaucoup moins dogmatique des REP qu’elle ne lie pas au RBR. Ce modèle, fondé sur une évaluation de la dangerosité de la personne, est à notre sens largement critiquable tant par ses fondements méthodologiques que par le détournement de mission qu’il opère, positionnant les CPIP comme agent de la gestion du risque.
Toutefois, force est de constater que ce courant existe bel et bien et qu’il est mis en pratique dans différents services de probation à l’étranger. Dès lors, il pourrait paraître logique que la DAP veuille l’intégrer à nos pratiques afin de les enrichir…
Cette réflexion a fait partie de nos questionnements pendant une partie des travaux sur le RPO. Aujourd’hui, tel ne peut plus être le cas. Cet enrichissement ne correspond en effet pas à la volonté de la DAP qui acte à travers ce texte la pure et simple abrogation des pratiques en cours dans les services, amputées au bénéfice d’une prothèse RBR. Ce document n’est donc définitivement pas un référentiel des bonnes pratiques en cours dans nos services, ce qui y est fait n’intéresse manifestement pas ses rédacteurs.
Ce positionnement idéologique sans concession rejoint d’ailleurs celui déjà adopté par la DAP dans le cadre de la recherche action PREVA sur l’utilisation d’outil d’évaluation actuariel de type RBR. La méthodologie aujourd’hui, demain l’outil…
Au delà de ces deux parties essentielles qui constituent le RPO, reste ce qui n’y figure absolument pas et ou qui nous parait complètement déconnecté de la réalité.
La question des prises en charge
L’essentiel du document est focalisé sur la phase d’évaluation. Ainsi, la phase d’accompagnement a été très peu étayée. En dehors de déterminer un « rythme de convocation » (assez similaire à la segmentation déjà tentée par le DAVC), il n’y a rien ou si peu sur le contenu du suivi qui constitue l’essentiel de notre activité et le coeur de notre métier…
La question du mandat judiciaire
Ce RPO est un pur produit de l’administration et de sa toute puissance. Le mandat judiciaire, fondement de nos suivis, est le grand absent de ce document. Seuls quelques amendements portés par la CGT et inclus dans la partie « fondements » l’évoquent. Tout est réfléchi d’une manière auto centrée comme si le SPIP avait tout pouvoir sur le déroulé d’une mesure. Il nous parait important de rappeler que nous travaillons avec un magistrat mandant, un Code de Procédure Pénale et qu’il apparaît essentiel de ne pas exclure leur existence de ces réflexions.
Les charges de travail
La réflexion autour de nos pratiques doit évidemment se poser dans un contexte de travail théorique. Cependant il nous paraîtrait également souhaitable que celui-ci ne s’éloigne que raisonnablement de la réalité, sans quoi nous nous retrouverons avec un corpus inapplicable. A cet effet, nous réaffirmons qu’il serait bénéfique que le travail sur les organigrammes des SPIP, (prévus dans le RPO 3) précède ce travail sur les méthodologies afin de respecter nos réalités de travail.
Une confusion sur les objectifs
Dans son introduction le document indique: « Il s’agit in fine de permettre que le rôle et les attributions de l’administration pénitentiaire soient mieux identifiés et plus facilement évaluables »… Ce mélange entre guide des bonnes pratiques et évaluation de l’activité des services est plus que problématique. Ce sont deux démarches différentes qui ne peuvent et ne doivent pas être confondues. Elles relèvent de logiques absolument différentes. Ce mélange des genres sème le trouble sur l’ensemble du document et interroge quant à sa réelle finalité : définir une méthodologie pour mieux travailler ou pour mieux évaluer l’activité des services ?
Un document élaboré en concertation ?
Les travaux sur ce document se voulaient réalisés en collaboration avec les terrains, ce qui est loin d’être réel. Ni la réflexion au sein des services initiée fin 2015 sur 3 REP soigneusement choisies, ni le tour de France en amphithéâtre réalisé par la Direction de Projet SPIP ne font illusion. Ce document n’est pas fait par et pour les personnels. Sa conception ne fait par ailleurs pas apparaître l’ensemble des enjeux liés à son contenu, notamment le fait que la méthodologie RBR implique nécessairement la généralisation d’outils d’évaluation de type actuariel (avec toute la rigidité et la lourdeur que cela implique). Par ailleurs s’il est vrai que les réunions de travail avec les OS se sont multipliées, l’écoute de l’administration est restée plus que relative et très largement hermétique aux amendements proposés.
Pour la CGT, le document proposé à ce jour n’est satisfaisant que sur la partie « savoir-être ». Seuls éléments faisant consensus et en état d’être validés. Le reste du RPO contient encore trop d’éléments controversés pour être considéré comme un document faisant autorité sur les pratiques dans les services. Les orientations retenues par l’administration représentent un véritable déni des pratiques réelles en cours dans les services et des charges de travail. La volonté d’introduire de nouvelles méthodologies, si elle peut être entendable, ne peut pas être imposée en supprimant l’existant et ne peut se faire sans des organigrammes de service.
La question de l’implication des personnels dans ce processus doit impérativement être relancée, et ne pas se contenter de cours magistraux et appelés abusivement « consultation ». Il faut présenter la réalité du contenu de ce RPO aux services, ainsi que les enjeux qui en découlent notamment en ce qui concerne les outils d’évaluation.
Enfin, et la CGT est particulièrement attachée à souligner ce dernier point, ce travail doit nécessairement s’interrompre au vu des enjeux autour de la mise en œuvre du relevé de conclusion de juillet 2016. Loin d’être un atout dans ce processus, une validation telle quel le de ce document représente une potentielle remise en cause de nos missions que certains pourraient vouloir graver dans le marbre du statutaire.
Comme rappelé dans le dernier tract intersyndical, le relevé de conclusion a été obtenu au regard des évolutions du métier déjà effectives au 22 juillet 2016. Les travaux en cours à la DAP, RPO compris, n’ont pas à être intégrées dans le périmètre de ces négociations.
Un calendrier de travail sur la réforme statutaire vient de nous être présenté par l’administration et prévoit un échéancier de réunions jusqu’à avril 2016.
Il est l’heure est de laisser la place à ces négociations qui représentent un enjeu bien plus concret et important pour l’ensemble des personnels.
Repousser l’étude du RPO de quelques mois n’est en aucun cas un enjeu pour la profession, bien au contraire !
Montreuil, le 17 février 2017