Dans une Administration Pénitentiaire où le sigle AP pourrait tout aussi bien désigner Administration Patriarcale (et Paternaliste), être personnel en SPIP, peu importe le corps, n’est pas être personnel de l’AP à part entière. Et si ce personnel en SPIP est une femme (ce qui a plus de 3 chances sur 4 d’être le cas) et que ce personnel a, pour l’Administration et pour elle seule, l’outrecuidance d’être victime alors quel n’est pas le traitement qu’elle subit et les foudres qui s’abattent sur elle.
Les exemples sont aussi nombreux que récents et les remontées de la CGT IP en la matière comme le bilan de la cellule Allo Discrim figurent parmi les éléments éclairants de ce fonctionnement anachronique et dépassé de l’AP. Et nous ne parlons même pas des inégalités salariales et des revalorisations en la matière pour les corps féminisés (AA, SA, ASS, psychologues ou DPIP) ou des atteintes aux droits liés à la parentalité (temps partiel, congés, autorisations d’absence, aménagement des formations initiales).
Pourtant, en 2023, être une femme dans l’administration pénitentiaire ne devrait plus poser problème quel que soit le poste occupé, quel que soit le travail effectué. Être victime ne devrait souffrir d’aucune contestation, surtout pas de la remise en cause de ce statut. Surtout être victime ne devrait en aucun cas avoir pour effet de l’être doublement par une sanction prise à son encontre.
Le Ministère de la Justice ne se gargarise-t-il pas d’un accord égalité professionnelle Femme-Homme et de sa labellisation en la matière ? Mais pour quels effets concrets dans les services ? Pour quelles formations dispensées aux cadres en la matière ? Pour quelles obligations de résultat et responsabilités engagées lorsque des faits de discrimination ou violences sont révélés ?
Au sein de la DAP, combien de faits de discrimination sexiste sont couverts et même institutionnalisés ? Combien donnent lieu à des mesures à l’encontre de leurs auteurs ?
Combien de faits de violence sexiste ou sexuelle sont étouffés ou niés par l’Administration qui ne voit que trop souvent chez les femmes victimes, des femmes dont la tenue vestimentaire pose question ou dont la fragilité serait à l’origine des violences ou discriminations qu’elles ont subies ?
Alors que le Ministère de la Justice et la DAP ont érigé en priorité la prise en charge des auteurs de violences faites aux femmes et la prise en compte de l’intérêt des victimes, nous constatons que la DAP est loin de se l’appliquer pour ce qui est de ses personnels.
Car dans les faits, à la DAP, il semble exister un préalable à la reconnaissance du statut de victime : l’irréprochabilité et même l’exemplarité, cela sous l’angle patriarcal quand ce n’est pas sous celui de la morale puritaine.
Pourtant, dans le même temps et dans une volonté de pur affichage de la prise en compte de l’égalité femme-homme, des initiatives souhaiteraient nous convaincre d’une lente évolution de l’AP en la matière.
C’est ainsi que la DISP de Dijon par exemple, communique sur la mise en place d’actions pour la journée internationale des droits des femmes, notamment par la conception et diffusion d’affiches dont l’une a pour titre « Être une femme dans l’administration pénitentiaire : un saut dans le vide ? ».
La CGT IP peut alors y répondre : être une femme dans l’AP est bien un saut dans le vide et être une femme victime dans l’AP est un saut dans le vide sans élastique. L’expression tirée du film « La Haine » prend même alors tout son sens : « Le plus dur, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage»
Car c’est bien un saut dans le vide qu’ont l’impression de faire les collègues menacées qui n’ont pour seule réponse que l’inaction de leur hiérarchie au lieu de les protéger et les soutenir.
Et c’est bien plus qu’un saut dans le vide que font les collègues après avoir eu le courage de dénoncer leurs agresseurs dans le cadre de violences conjugales, c’est un crash ! Car quelle est alors la réponse apportée par leur Administration ? Un passage en commission de discipline. Non vous ne rêvez pas ! Pourquoi ? Car la victime de violences conjugales n’était à leurs yeux pas assez irréprochable puisque son conjoint violent était un ancien suivi du SPIP… Le Code de Déontologie de l’AP est au-dessus du statut de victime, au-dessus des priorités sociétales de lutte contre les violences faites aux femmes et instaure donc la double peine !
Être victime n’est pas pris en compte. Pour l’administration pénitentiaire, « manipulateur est un métier et elle aurait dû le savoir », elles ont mis en danger leur administration, elles en ont donné une mauvaise image, elles ont fauté, elles doivent être sanctionnées.
Un blâme ? Une exclusion temporaire ? Un déplacement d’office ? Non, pas suffisant : purement et simplement révoquée, autrement dit licenciée !
La double peine. Indigne, infâme.
Ce qui leur est reproché ici c’est bien l’opprobre jeté sur l’administration (« Quoi?Une femme de l’AP, cette administration si exemplaire et si déontologique, manipulée et en relation avec une personne suivie autrefois ? »), intolérable et inexcusable pour l’AP. Car ce n’est aucunement un quelconque passe-droit ou avantage donné à une ancienne personne suivie qui a pu être relevé.
La DAP fait fi du bon sens et du respect de ses personnels, nous le savons depuis longtemps. Mais de là à sanctionner des agentes victimes de violences pour les avoir dénoncées et non tues et ainsi avoir eu le courage de subir un regard paternaliste de bon nombre d’interlocuteurs, cela dépasse tout !
Le fait que ce soit une femme et qu’elle ait été jugée par des hommes à tout échelon n’y est forcément pas étranger.
L’Administration Patriarcale demeure et l’Administration Progressiste se meurt… encore.
Nous apportons tout notre soutien aux personnels confrontés à ces violences institutionnelles et procédures expéditives.
Solidarité avec toutes les femmes qui travaillent au sein de l’administration pénitentiaire et sautent dans le vide tous les jours
Montreuil le 19 mai 2023