La CGT Insertion Probation a été reçue en audience le 8 novembre 2018 par le Bureau Central du Renseignement Pénitentiaire (BCRP), au sujet d’un projet de doctrine du renseignement en milieu ouvert.
A cette occasion, nous avons rappelé nos positions, et réaffirmé notre souhait que le renseignement, la « détection », « l’évaluation du risque », de la « dangerosité », le « signalement » – bref, toute la logique prédictive du renseignement et du recueil d’informations – ne viennent pas perturber les missions des SPIP.
Celles-ci sont contraires à la relation de confiance et à la transparence que supposent toutes intervention et prise en charge socio-éducative.
La CGT a, pour ce faire, rappelé deux textes importants :
- Tout d’abord les lignes directrices à l’intention des services pénitentiaires et de probation concernant la radicalisation et l’extrémisme violent, adoptées par le Conseil de l’Europe le 02 décembre 2015.
Celles-ci stipulent que « les personnes s’employant à la réadaptation des détenus devraient être capables d’opérer avec l’autonomie et l’indépendance appropriées par rapport aux acteurs qui se livrent à la collecte de renseignements sur des extrémistes violents. En effet, le succès de la réadaptation dépend de la confiance découlant de cette autonomie. » Le commentaire est encore plus clair : « Si [les personnes détenues] soupçonnent au contraire les éducateurs, les travailleurs sociaux ou les représentants religieux de remplir une mission de renseignement ou de surveillance, il est probable que le programme de réadaptation non seulement échoue, mais engendre en outre un ressentiment et une défiance envers les autorités et la société de la part des détenus ou des personnes en probation. En d’autres termes, les programmes de réadaptation, pour qu’ils puissent être menés à bien, ne devraient jamais reposer sur une logique de sécurité et de suspicion ; cet objectif ne peut être garanti que par un certain degré de répartition des rôles entre réadaptation et surveillance. »
- Le cadre légal et l’article D.581 du Code de Procédure Pénal :
« Les membres du service pénitentiaire d’insertion et de probation sont tenus au secret professionnel dans les conditions prévues par les articles 226-13 et 226-14 du code pénal. »
Nous avons donc demandé au BCRP de comprendre pourquoi le législateur a prévu ce secret pour les seuls membres des SPIP au sein de l’administration pénitentiaire, et nous avons souligné que le secret professionnel n’existait que pour une seule chose : pour permettre d’établir un rapport de confiance avec un usager. La CGT a donc expliqué en quoi cette mission du renseignement n’était pas compatible avec celle de la réinsertion sociale – ni même avec celle de la prévention de la récidive, dont le seul énoncé ne permet ni toutes les postures professionnelles ni les injonctions contradictoires.
A l’heure du déploiement du RPO 1, au moment où celui-ci met l’accent sur des savoirs-être qui réaffirment de façon centrale la notion de confiance, de relation positive, de soutien et d’accompagnement des personnes suivies, il n’est pas plus la peine d’expliquer en quoi le renseignement constitue une « torsion éthique » incompatible avec les pratiques des SPIP, ni en quoi le recueil d’informations, le partage à outrance, voire la détention d’informations non partageables avec la personne suivie sont autant de freins dans la prise en charge !
Nous demandons donc à l’administration pénitentiaire
de ne pas dénaturer nos missions.
Nous sommes faits pour individualiser la peine, pour la faire correspondre à la situation sociale, familiale et matérielle que nous avons évaluée.
Nous sommes faits pour « lutter efficacement contre la récidive en favorisant la réinsertion des personnes[1] », pas pour nourrir le renseignement !
[1] – Circulaire de la DAP n° 113/PMJ1 du 19 mars 2008 relative aux missions et aux méthodes d’intervention des services pénitentiaires d’insertion et de probation
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