La vague de suicides et tentatives de suicides qui prend de l’ampleur dans les services judiciaires n’est peut-être pas de la même ampleur que celle connue dans l’administration pénitentiaire, mais elle ne manque pas de nous inquiéter profondément.
L’administration pénitentiaire a en effet été durement touchée par un nombre conséquent de suicides depuis le début de l’année et a donc amorcé un groupe de travail sur la prévention des suicides qui se tiendra prochainement. On ne peut que saluer cette initiative qui espérons-le ne sera pas un coup d’épée dans l’eau…
Il n’en reste pas moins que la réaction de l’administration, à tous niveaux, n’est pas de nature à nous rassurer puisque l’on retrouve les mêmes réflexes que n’importe quel employeur du privé qui ne peut nous empêcher de faire penser à ce qu’il a pu se passer chez France Télécom… condamnée récemment par des juges de notre ministère !
http://www.cgtspip.org/wp-content/uploads/2022/03/22.03.22-DL-CGT-CTM-justice.pdf
Le déni qui accompagne le dénigrement de ces personnels, les renvoyant systématiquement, quand il n’y a pas de courrier explicite, à leurs problèmes personnels, comme si le temps trop important passé au travail, dans des conditions maintes fois dénoncées, n’avaient pas de conséquences importantes sur l’état psychique de chacun.e d’entre nous, notre vie personnelle et notre vie familiale. Nous ne sommes pas dupes, nos différentes administrations, composantes du ministère de la justice, n’accepteront jamais de leur propre initiative qu’elles peuvent être responsables d’un passage à l’acte d’un.e agent.e pour maltraitance ou harcèlement hiérarchique !!!
Nous rappelons que le 25 janvier, les organisations syndicales ont voté de façon unanime le principe d’une expertise sur les conditions de travail au sein des services judiciaires, l’administration ayant deux mois pour répondre. À 3 jours de l’échéance, le ministère n’a toujours pas répondu à la demande d’expertise, ni même répondu au courrier de relance fait par les organisations syndicales. Faut-il acter que le ministère veut aller au contentieux administratif ? Quel mépris pour le personnel !
Dans les services judiciaires, la fuite des greffiers et directeurs des services de greffe vers d’autres horizons continue d’être analysée comme une chance pour leur parcours professionnel par l’administration alors que, dans leur grande majorité, ces départs ne sont qu’une recherche ou un maintien de leur équilibre psychique.
À la PJJ, le nombre croissant de postes vacants, particulièrement dans le nouveau corps de CADEC, mais aussi chez les directeurs de service et depuis peu chez les directeurs territoriaux, démontre pour la CGT, une absence d’attractivité de l’administration tant au niveau des salaires que du sens des missions. Ainsi cette fuite des agents s’observe dans l’ensemble des administrations du ministère sans aucune réflexion.
Au sein des SPIP, le nombre d’agents en souffrance au travail n’a jamais été aussi élevé. Consignes toujours plus nombreuses et contradictoires, culte du fait divers pour en définir les missions et modalités d’intervention, dévoiement des missions, négation de l’importance de l’accompagnement socio-éducatif au profit d’une prévention du risque (de récidive et non de mal être des personnels), discriminations et harcèlement…n’en jetez plus !
On pourrait parler du soi-disant « management », qu’il soit dit « responsable » ou « bienveillant » : par exemple, le directeur des services judiciaires (DSJ) n’a jamais répondu à notre lettre de mai dernier, parce qu’ouverte, sur le temps de travail ; il ne prend pas plus la peine de répondre, ni même d’accuser réception, d’une lettre pourtant non ouverte cette fois, de février, sur l’extrême malaise à l’ENG, aussi bien des agent.e.s qui y travaillent que des stagiaires qui y font leur scolarité…
A la PJJ, la méthode employée pour gérer les dysfonctionnements institutionnels ou les cas de harcèlement dépend de son degré de lien avec les directions locales. Pour certains, ce sera la mise en congé d’office, pour les autres la mutation dans l’intérêt du service et tant pis si l’agent.e concerné.e est la victime ou si aucune faute n’a été relevée à son égard, l’agent.e devra bouger jusqu’à 300km de son domicile. Mais soyons rassuré.e.s, il ne s’agit pas de sanction disciplinaire. Ouf !
« Exemple » également au niveau ministériel : on nous avait dit que les choses changeraient avec l’arrivée d’une DRH du ministère de la fonction publique ; elle s’est plutôt bien acclimatée aux us et coutumes déviantes du ministère de la justice…
Ce très cher ministère qui s’évertue à choisir ses interlocuteurs, à en écarter d’autres, à ne pas associer les représentants et donc les personnels à des arbitrages ou projets qui les concernent au premier chef… États Généraux de la Justice, réformes statutaires pour les corps de CEA ou de DPIP, et aujourd’hui le peu d’association et d’intérêt qu’ils nous démontrent sur la revalorisation de la filière socio-éducative pour les personnels de la PJJ et des SPIP…
Et toujours la même mésentente avec le droit : lundi 14 mars, le port du masque a été imposé en centrale en dépit d’un décret… !? Dans certaines juridictions, le port du masque a également été maintenu du fait de l’absence de circulaire du ministère de la justice… Il a fallu dénoncer cet état de fait pour que le droit commun s’applique au sein du ministère de la justice. Malheureusement, l’histoire se répète inlassablement comme les dispositions liées au télétravail. La hiérarchie des normes est-elle un concept aussi compliqué à comprendre pour des hauts fonctionnaires et magistrats ?
Si cet exemple à lui seul montre avec quel mépris les administrations traitent les droits des personnels, obligeant les organisations syndicales à batailler pied à pied pour les faire reconnaître, nous pourrions aussi citer la mise en œuvre ou plutôt le refus généralisé du télétravail. La crise sanitaire a fait place à une crise du pouvoir d’achat des fonctionnaires mais la situation exceptionnelle n’est cette fois pas suffisante. Ce n’est pas une promesse du dégel du point d’indice dans des conditions et calendrier incertain.es qui serait de nature à nous rassurer…
Il serait temps que derrière le sacro-saint intérêt du service et l’entre soi, la prise en compte des agent.es de ce Ministère et de leurs problématiques revêtent enfin un intérêt pour nos dirigeants. Après tout, c’est par cela que vous parviendrez à enfin « fidéliser » vos personnels et rendre ce ministère « attractif ». N’est-ce pas là pourtant votre leitmotiv depuis des mois ? Encore de la friture sur la ligne peut être…