Monsieur le Ministre,
projet DL CTM CGT 5 mai 2017VF
Ce comité technique est aujourd’hui « symbolique » dans toutes les acceptions du terme :
Symbolique car votre présence Monsieur le garde des Sceaux s’y est faite extrêmement rare pour le moins qu’on puisse dire ; et qu’aujourd’hui, elle ne peut rattraper ces mois d’un dialogue social extrêmement dégradé au sein de ce Ministère.
Symbolique car bien des sujets, liés aux intérêts des personnels de ce Ministère auront été totalement mis de côté : création d’un statut de psychologues, handicap, égalité femmes-hommes pour ne citer qu’eux.
Symbolique car il est un des rares comités techniques ministériels à avoir pour ordre du jour une revendication portée par une lutte des personnels en l’occurrence celle menée par ceux des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation, qui déterminés manifestaient il y a un an presque jour pour pour sous une pluie battante.
Symbolique car pendant plusieurs mois en 2016, les personnels d’insertion et de probation privés du droit de grève se sont massivement mobilisés pour faire entendre leur voix et crier leur colère face au mépris d’une administration qui les laisse continuellement sur le bas côté !
Symbolique car cette lutte aboutissait l’été dernier à la signature d’un relevé de conclusions par l’ensemble des organisations représentatives des personnels des SPIP, dont la CGT est première organsaition, venant acter l’obtention d’un grand nombre de revendications: Ainsi, outre l’accès à la catégorie A, les personnels ont également obtenu l’abandon de la pré-affectation, la revalorisation de 70% de l’IFPIP et de 40% de l’IFO et enfin le recrutement de 100 personnels supplémentaires. Ces recrutements sont cependant loin d’être à la hauteur de la pénurie régnant dans les services. Concernant le règlement de la pension de retraite des personnels socio-éducatifs devenus personnels d’insertion et de probation, les solutions proposées tout récemment sont particulièrement insuffisantes et innaceptables en termes de pouvoir d’achat des retraité-e-s.
Symbolique car l’accès à la catégorie A pour les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation acte la reconnaissance de ce que nous sommes sans dénaturer nos missions d’accompagnement socio-éducatif et de réinsertion, ce qui est primordial qui plus est dans le contexte actuel.
Symbolique car malgré l’insistance de l’ensemble des organisations syndicales de vouloir prendre le temps dans le cadre d’un véritable protocole de négociation, ce gouvernement a piétiné cette volonté en confisquant le dialogue social et en faisant des personnels et des organisations syndicales les « spectateurs » du bras de fer entre la Fonction publique, Matignon et le ministère de la justice !
Symbolique car il est un des rares à avoir pour objet la revalorisation d’une profession féminisée à 75% alors que l’égalité femmes-hommes a été la grande absente de nos travaux, au mépris du protocole fonction publique signé en 2013 par l’ensemble des organisations professionnelles.
Sur ce sujet, comme sur d’autres, ce Ministère aura préféré au dialogue social et à la négociation et ainsi aux intérêts des personnels la saisine d’une mission d’inspection qui devra rendre ses préconisations – cherchez l’erreur – dans deux mois…
Symbolique concernant la Protection Judiciaire de la Jeunesse au vu des enjeux des textes à l’ordre du jour.
Nous avons peu à ajouter aux débats menés en multilatérales concernant le sujet des directeurs, en revanche, nous avons bien plus à dire concernant le décret présenté concernant uniquement la création de concours spécifiques pour la Guyane et la Polynésie. Nous insistons sur le terme « présenté » car nous avons constaté qu’il contenait deux points que l’on pourrait qualifier de « cavaliers ».
Tout d’abord, nous trouvons la méthode plus que discutable voire malhonnête. Vous profitez d’un sujet particulier pour modifier le cadre général en vous cachant derrière un nuage de fumée pour détourner notre attention.
Il est tout à fait inacceptable que les références aux domaines éducatifs, sociaux, sportifs ou culturels soient supprimés.
Cela est une remise en question rampante de la spécificité du travail social au sein de la PJJ et nous ne pouvons l’accepter !
Symbolique car ce quinquennat aura également été désastreux pour la justice judiciaire, tant pour les personnels que pour les usagers. Pour les personnels, les pseudo réformes statutaires n’ont eu d’autres finalités que de mettre à mal tant les statuts et les métiers que les implantations territoriales des structures déconcentrées. Tous les jalons sont posés pour la création à très court terme du tribunal de première instance rejeté quasi unanimement par l’ensemble de la profession, à l’exception de quelques chefs de juridiction en mal de pouvoir. Aujourd’hui, pour les personnels quelle que soit leur catégorie, c’est la fuite vers d’autres horizons bien plus attractifs tant professionnellement qu’en terme de déroulement de carrière. A son arrivée au ministère de la justice, Christiane TAUBIRA a lancé les travaux sur la « justice du 21ème siècle », partant du constat que l’usager n’était pas satisfait de la justice de son pays, l’estimant trop complexe, trop éloignée, trop lente, trop coûteuse… bref autant de constats simples mais avérés.
Qu’aura apporté la loi J 21 pour l’usager :
sous couvert de déjudiciarisation, le transfert de certains contentieux vers les « auxiliaires de justice » (notaires, huissiers, notamment) ; en réalité, il s’agit d’une opération de déstockage et de désengorgement des juridictions qui aura un coût supplémentaire pour l’usager (notamment pour les divorces par consentement mutuel, pour lesquels, outre les frais de notaire, il faudra deux avocats où un seul pouvait suffire jusqu’alors) ;
la mise en place des SAUJ (services d’accueil unique du justiciable) sans les moyens nécessaires en personnels ni les outils permettant de mener à bien une organisation qui aurait permis à l’usager de lui faciliter certaines démarches.
Symbolique car il se tient l’avant veille de l’échéance de l’élection présidentielle et ne peut ainsi s’exonérer d’un bilan des politiques menées :
Ces politiques inscrites dans une continuité libérale et leurs effets sur le monde du travail ont rendu possible, pour la seconde fois sous la cinquième République, l’accès de l’extrême droite au second tour de l’élection présidentielle.
L’état d’urgence permanent et les politiques sécuritaires auxquelles le Ministère de la Justice prend part allégrement n’ont fait qu’instrumentaliser les peurs et alimenter les stigmatisations et les divisions.
Les renoncements sur une justice de proximité, humaniste, tournée vers la jeunesse et réduisant les inégalités sociales, n’en sont aujourd’hui que plus dévastateurs sur nos publics, nos conditions de travail et le sens de nos missions au sein de ce Ministère.
Les atteintes aux libertés fondamentales ainsi que la criminalisation de l’action syndicale et militante ont pris un tournant qui laisse libre court aujourd’hui à une remise en cause de notre démocratie.
Symbolique car il sera pour vous la dernière occasion de revenir sur la sanction infligée à Mylène Palisse, conseillère pénitentiaire d’insertion et de probation, élue CGT pour s’être exprimée à titre syndical dans la presse et ainsi respecter la liberté d’expression des personnels et de ses représentants syndicaux.
En finir avec les divisions, la haine, l’exclusion, le racisme, la xénophobie et le sexisme, implique des politiques qui portent l’intérêt commun et non les seuls intérêts du capital et du monde de la finance.
Pour la CGT, aujourd’hui plus que jamais la liberté, l’égalité, la justice, la fraternité, la paix, la démocratie et la solidarité internationale ne sont pas que des symboles !
Paris, le 5 mai 2017