Madame la Ministre,
Le climat actuel est un climat de guerre. Nous pourrions parler de la situation internationale où des dirigeants jettent de l’huile sur des feux qui couvent depuis des années et qui risquent de déclencher des conflits à grande échelle. La France, qui n’est pas la dernière à mener ses propres guerres, s’en réjouirait presque… Enfin, en tant que troisième exportateur d’armes de guerre, la population étant plus circonspecte…
Version imprimable Déclaration liminaire CTM 20dec17
Non, nous parlons de la guerre qu’est en train de mener le gouvernement et le patronat contre les classes populaires, les fonctionnaires, les syndicats, les conquis sociaux… Il s’agit d’une guerre totale, idéologique et politique visant à détruire l’ensemble du système social qui est pourtant la fierté de notre pays. Le gouvernement se démultiplie sur tous les fronts, enfonçant chaque jour un peu plus le clou pour augmenter les inégalités et servir les plus riches au détriment des plus pauvres.
Dans la Fonction Publique, le plan de bataille a un nom : CAP 2022. Il explique clairement que les Services Publics vont être démantelés au profit d’intérêts privés dans une logique néo-libérale qui est celle portée, conjointement, par le pouvoir en place, la finance et le patronat.
La RGPP avait rogné la fonction publique jusqu’à l’os, l’objectif est maintenant de la désosser.
Au sein de notre ministère, nous voyons que les chantiers de la Justice n’ont nullement pour objectif de viser à l’amélioration des conditions d’accueil des usagers ou des conditions de travail des agents mais bien d’appliquer et de décliner les objectifs de la CAP 2022.
Il s’agit de réduire la présence de l’Etat sur ses missions régaliennes de Justice sous couvert de noms furieusement modernes mais qui cachent difficilement des concepts portés depuis des années par les tenants de la privatisation des missions de service public : Simplification, transformation, efficacité, adaptation…
Quand ces mots sont employés par des managers ou des technocrates, ils impliquent des fermetures de structures, des baisses de personnels, des économies drastiques et une politique du chiffre. Nous parlons d’expérience, ayant déjà vécu des « chocs de simplification » et des « rationalisation des moyens ». Des chocs, nous en avons connu, de la simplification, sûrement pas. De même, la rationalisation des moyens cache surtout une idéologie menant au désengagement de l’Etat.
La RGPP nous a laissé exsangues. Aujourd’hui, dans ce ministère, quelle que soit l’administration, quel que soit le service, les agents travaillent dans des conditions au mieux difficiles, mais, souvent, indignes. Le sous-effectif est permanent et entretenu. L’autoritarisme de la hiérarchie est de plus en plus fort. Il va en augmentant au fur et à mesure que les cadres, souvent mal formés et soumis à la politique du chiffre, n’ont plus les moyens de gérer leurs services. Les missions sont dévoyées par l’injonction de résultat, les logiques quantitatives et les effets de la politique de lutte contre la radicalisation. La répression disciplinaire bat son plein vis à vis des agents, syndiqués ou non.
Votre cabinet vient d’ailleurs de répondre défavorablement à notre demande d’annulation de la sanction injustement prononcée contre notre collègue et militante CGT Mylène Palisse. Avec le passage en commission de discipline la semaine dernière de la militante SUD inspectrice du travail pour une interview donnée dans un média, ce gouvernement démontre son mépris affiché de la liberté d’expression, des libertés syndicales et de la conception du fonctionnaire citoyen !
Les deux anciens Garde des Sceaux ont pourtant fait montre d’un comportement peu exemplaire mais ne seront sûrement pas inquiétés comme peuvent l’être vos agents dés qu’ils expriment une opinion un tant soit peu dissonante.
L’état de délabrement touche aussi l’immobilier. Nombre de tribunaux, de prisons, de lieux d’hébergement collectifs, de services d’insertion et de probation ou de milieux ouverts sont une honte pour la Justice. Quand les agents n’ont pas accès à de l’eau potable, doivent faire avec des fuites dans les toits ou de la moisissure sur les murs, doivent faire des réparations de fortune ou pire, c’est tout notre ministère qui montre une image de délabrement généralisé. Quelle image de la Justice donne-t-on quand les dossiers s’accumulent dans les couloirs de tribunaux, que les prisons sont surpeuplées et que les conditions de travail et de détention sont indignes de ce 21ème siècle, que les foyers tombent en ruine et que les services extérieurs sont à l’avenant ?
De même, malgré les annonces tonitruantes en termes budgétaires, la réalité est que les frais de fonctionnement baissent. Quand nous n’aurons plus d’essence dans nos voitures, ni de timbres pour nos enveloppes, comment ferons nous ? Et ce n’est pas la transformation numérique, qui est un leurre pour accompagner le désengagement de l’Etat, qui apportera une réponse : nous n’avons même pas assez d’ordinateurs pour assurer nos missions à l’heure actuelle !
Les choix budgétaires dans notre ministère vers une course folle de l’extension du parc carcéral et la part des partenariats publics privés, tout récemment épinglés par la Cour des Comptes vont continuer de vampiriser tous les moyens de la Justice. Ils confirment aussi des choix de société vers une politique de plus en plus sécuritaire. Cette escalade donne l’illusion d’une « sécurité » au mépris de nos libertés fondamentales. Elle signe également l’abandon de toute ambition politique pour les alternatives à l’incarcération, l’éducation, l’insertion, la prévention, la culture, la santé …
Dans le même temps la reconnaissance salariale n’est pas au rendez-vous, gel du point d’indice, retour du jour de carence (et même 3 jours tels que votés au Sénat : qui dit mieux ?), report de l’accès à la catégorie A pour la filière sociale …
Pire, pour la filière insertion probation, les textes votés par le Comité technique le 5 mai dernier, sont dans les limbes administratives. Pourtant, ces textes venaient enfin inscrire dans les statuts des personnels une reconnaissance légitime mais aussi les acquis de leur lutte historique de 2016. Pour les personnels, la parole de l’Etat n’est pas respectée, ils se réunissent en assemblées générales et se tiennent prêts pour exprimer fortement leur colère au plus haut niveau de l’Etat.
Si l’on ajoute les attaques sur l’action sociale et le feuilleton INTERIALE, notre ministère montre une piteuse image.
On nous parle de travailler sur l’attractivité de nos métiers. Mais, qui aurait envie de travailler dans ce chaos généralisé, qui va encore s’amplifier ?
On nous parle de bien-être au travail. Nous faisons le constat que plus on nous en parle, moins nous le vivons. Donc, arrêtez d’en parler et faîtes le !
La CGT s’opposera à toute fermeture de structure. La désertification des services publics est une réalité et nous refusons qu’elle soit encore amplifiée. Ce seront les populations les plus paupérisées et les plus fragiles qui en paieront le coût.
La CGT défend le statut général des fonctionnaires et continuera à dénoncer toute attaque envers celui-ci. Ce n’est pas pour conserver de supposés avantages mais bien pour défendre la qualité du service public qu’il garantit.
La CGT dénonce une politique de gestion RH et budgétaire catastrophique depuis des années. Elle demande que les moyens allouées à la Justice soit à hauteur des besoins des citoyens et non une donnée d’ajustement comptable.
La CGT dénonce les conditions de travail de l’ensemble des agents du ministère qui subissent les effets des politiques désastreuses décrites ci-dessus et une paupérisation rampante via le gel indiciaire, la hausse de la CSG et des politiques indemnitaires injustes.
La CGT dénonce la volonté politique et idéologique de remettre en cause les missions régaliennes du ministère de la Justice au profit d’intérêts privés.
Paris, le 20 Décembre 2017