Madame la Présidente,
Nous ne pouvons débuter ce Comité Social d’Administration sans avoir une pensée pour les personnes qui représentent et œuvrent pour la République et qui, de par leurs fonctions, sont morts ou ont été touchés dans leur chair. Ces attaques, aussi lâches que cruelles, sont intolérables. En ces moments difficiles, la solidarité doit primer et l’ensemble de la population faire corps, plus encore lorsque nos institutions et le service public, à commencer par l’éducation nationale, sont pris à partie.
Nous sommes réunis ce jour en instance nationale pour des sujets ô combien importants, soumis à avis, mais dont l’issue sera, par la seule responsabilité de l’Administration, mi-figue mi-raisin. En effet, 8 décrets qui concernent principalement le déroulement des carrières, la promotion professionnelle et la rémunération dans 2 directions, l’administration pénitentiaire et la protection judiciaire de la jeunesse nous sont aujourd’hui soumis.
D’ores et déjà, l’ensemble de ces textes présentent un point commun : celui d’avoir été pris sans réelle concertation ou négociation avec les représentant.es des personnels.
Le Ministère de la Justice tente délibérément de priver les personnels d’avancées bien plus significatives en déroulant seul et en laissant chaque direction œuvrer comme elle le souhaite, tout cela sans jamais écouter la voix des personnels qui ne réside qu’en leurs représentant.es. Aucune direction n’est à épargner puisque si ce sont aujourd’hui la DAP et la DPJJ, nous avons essuyé le même constat de la part de la DSJ avec la réforme ou pseudo réforme des greffiers. Car à entendre les Directions, leurs partenaires sont aujourd’hui la DGAFP ou la direction du Budget. Les partenaires sociaux sont écartés.
Chaque direction, confortée en cela par le Ministère, se donne le droit de parler au nom des personnels, de prétendre savoir ce qui est bon pour elles et eux ou non, et de déterminer ce qui est acceptable comme projet pour elles ou eux.
La CGT et le SM se refusent et se refuseront toujours à ce retour à ce que l’on pourrait qualifier de « raison d’état » autrefois prônée par Richelieu. Non, l’Administration n’a pas de souveraineté absolue sur ses agents ou sujets. Et quoi qu’elle en pense ou s’en convainque elle-même, elle n’a ni la légitimité, ni de profonde compétence quand on en constate le résultat, pour se prononcer en bon roi, sur ce qui est bon pour ses sujets en écartant de toute discussion les représentants de celles et ceux-ci !
Il est temps que le Ministère se reprenne et comprenne que lors de cette instance, elle se doit d’entendre et prendre en compte la voix de l’ensemble des personnels du Ministère à travers leurs représentant.es.
Pour le personnel de surveillance, il est de bon aloi de dire qu’il y a des lendemains qui déchantent. C’est le cas de la réforme de la catégorie A et de la catégorie B des personnels de surveillance. Le 21 février dernier, monsieur le ministre, en déplacement à Agen à l’Ecole Nationale de l’Administration Pénitentiaire, annonçait une réforme historique pour ces mêmes agents. Le passage en catégorie B pour le Corps d’Encadrement et d’Application et le passage en catégorie A pour le Corps de Commandement. La CGT Pénitentiaire ne pouvait être que satisfaite de cette annonce puisqu’elle le revendique depuis 2002 mais restait prudente, en attendant les contours de cette réforme.
Notre prudence était donc légitime. La désillusion a très vite gagné du terrain. Pourquoi ? Dès la première rencontre avec les organisations représentatives, la CGT a très vite senti que le dialogue social serait inexistant. Conforté par une organisation professionnelle, le GDS a fait le choix DAP/FO en isolant très rapidement les autres organisations syndicales représentatives au travers de bilatérales de façade. Ce lobbying pour ce duo s’est traduit par une entente syndicale représentant plus de 50 % des personnels qui portait un projet commun. Même face à ce bloc syndical, le Ministre a persévéré dans le déni de dialogue social en allant même jusqu’à refuser un accord collectif de négociations.
Si la CGT maintient son attachement à un recrutement en catégorie B, elle s’accompagne malheureusement aujourd’hui d’une verrue qu’est la contractualisation avec la création de surveillants-adjoints.
Une contrepartie au prix fort. La précarisation de notre métier devient la solvabilité d’un passage en catégorie B. La construction du pyramidage du corps d’encadrement et d’application (CEA) est également un retour en arrière car elle nous ramène au temps d’avant la fusion des grades de surveillants et de brigadiers. Pire, les grilles indiciaires vendues comme une parité police ne se calquent même pas à l’identique. Là aussi, ce sont encore quelques économies substantielles pour le ministère !!!
Quant au passage en catégorie A pour le corps de commandement, il faudra une fois de plus des années pour oublier le sacrifice opéré. Comme tous les contours ne sont encore pas bien dessinés, de nombreuses surprises sont encore à prévoir…
Alors oui, la CGT et le SM assumeront de voter pour un décret statutaire favorable à ces orientations et continuera de combattre toute atteinte à notre professionnalisation en paupérisant les missions. S’agissant des grilles indiciaires, les limites portées par votre ambition resteront un frein pour l’attractivité de notre métier et ne laissent envisager aucune validation de la part de notre organisation professionnelle.
Pour ce qui est du corps des DPIP, force est de constater le peu d’ambition voire le mépris assumé quant à la valorisation et la revalorisation de ce corps.
Si l’accès au A+ n’a jamais été un sujet pour la CGT, cette illusion entretenue par le Ministère avec l’aide d’organisations syndicales considérées, sans fondement et sans légitimité, par l’Administration comme représentatives, a paralysé toute revalorisation durant deux ans. Tout cela avec pour effet, dans le même temps de repenser l’organisation de ce corps, en créant artificiellement des strates d’encadrement au sein de celui-ci, et en leur assignant de nouvelles contraintes, le tout sans fondement légal, comme les astreintes quotidiennes qui n’ont d’autre effet que nuire à leur équilibre vie personnelle-vie professionnelle. Tout cela en les privant du temps de repos légal entre deux journées de travail et en les privant de toute possibilité de récupération ou indemnisation des temps d’intervention. Belle preuve de considération encore une fois.
Pour ce qui est du dialogue social ayant conduit aux textes proposés aujourd’hui, il s’est réduit au néant. Deux réunions avec les organisations représentatives des personnels dont la dernière en novembre 2022 où des grilles, bien différentes de celles évoquées aujourd’hui, avaient été présentées. Entre novembre 2022 et octobre 2023, rien. Pas une réunion d’information, pas une réunion de négociations. Quel respect des personnels et de leurs représentant.es…La DAP a sciemment privé le corps des DPIP, par son positionnement de toute puissance et son déni du dialogue social, d’une réforme qui aurait pu être nettement plus ambitieuse. Puisque la DAP appuyait sa réforme des DPIP sur le modèle de la réforme du corps des CPIP qui bénéficie lui d’une sur-indiciation par rapport aux corps similaires au sein du Ministère, pourquoi ne pas en avoir fait autant et se cantonner à cette pâle revalorisation ? Pourquoi ne même pas avoir fait en sorte que le corps des DPIP, qui perçoit moins d’IFSE que les autres corps similaires du Ministère, ne bénéficie, à tout le moins d’une rémunération indiciaire et d’un déroulé de carrière favorables ou en tout cas, pas plus pénalisants.
Puisque la DAP n’a pas souhaité entendre l’expertise de la CGT et tirer profit des propositions qui lui auraient été faites ce qui avait justement conduit à une réforme ambitieuse pour le corps des CPIP en 2017, elle aura, face aux amendements proposés par la CGT pour l’intérêt des personnels, à assumer son positionnement quant à ceux-ci afin de déterminer si elle souhaite réellement porter une réforme favorable pour le corps des DPIP.
Concernant le corps des Directeurs de la DPJJ, la CGT regrette encore le manque d’ambition de notre administration pour ce projet statutaire et indiciaire.
Sur la forme, il n’est pas acceptable d’avoir été consulté plus en amont sur ce projet. Réunir l’ensemble des organisations syndicales à moins d’une semaine du CSAM « à titre informatif » en dit long sur votre manière d’établir le dialogue social : un dialogue social de piètre qualité !
Sur le fond, vos propositions sont une insulte à ce corps de notre ministère. Comment voulez-vous rendre attractif ce métier alors même que vos propositions ne sont que de la poudre aux yeux ? Comment pouvez-vous accepter que la grille indiciaire des Directeurs soit inférieure jusqu’au 5ème échelon, (soit près de 7ans et demi) à celle des CADEC ? L’écart actuel est de plus de 35 points voire 46 points au 2ème échelon. A cela s’ajoute les 49 points d’indice du SEGUR que les Directeurs ne perçoivent pas. Doit-on appeler ça une « offrande » ?
Donc oui aujourd’hui un CADEC et un éducateur en début de carrière gagnent plus qu’un directeur et vous êtes les seuls à ne pas vous questionner et porter haut vos ambitions pour vos cadres de la PJJ. Vous ne reconnaissez en rien la particularité de ce métier et c’est fort désolant.
Montreuil, le 19 octobre 2023