Le 8 novembre dernier, la CGT insertion probation participait à une table ronde organisée par Alain Marc, rapporteur de la commission des lois du Sénat pour la mission Justice crédits de l’administration pénitentiaire sur le projet de loi de finances 2018.
Au vu du temps réduit d’échange, la CGT insertion probation a tenu à apporter une contribution écrite afin que l’ensemble des enjeux soient portés à la connaissance entre autres des sénatrices et sénateurs pour le débat parlementaire en cours.
Ce projet de loi ainsi que le projet de loi de finances de la sécurité sociale confirment la volonté du gouvernement de répondre aux injonctions de la commission européenne, orientation résolument libérale et de politique d’austérité.
Version imprimable contribution Commission des lois Senat PLF 2018
La politique d’Emmanuel Macron a pour objectif clair de servir les intérêts des classes les plus fortunées, les organisations patronales et surtout le MEDEF, les actionnaires et les marchés financiers. Ainsi, il est programmé une casse en règle des services publics, qui sont pourtant notre bien commun, avec une nouvelle ponction drastique dans les budgets alloués à l’action publique de 15 milliards dont 7 milliards pour l’Etat, alors que la baisse des impôts s’adresse aux plus riches (ex : ISF).
Pour les personnels de la fonction publique, la baisse du pouvoir d’achat est confirmée: gel du point d’indice, hausse de la CSG non compensée pour les fonctionnaires, rétablissement du jour de carence (le budget prévoit d’ailleurs d’économiser 2,7 millions d’euros sur la santé des fonctionnaires de la seule pénitentiaire) , développement de la rémunération au mérite comme le RIFSEEP (régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel) dont l’ensemble des organisations professionnelles demande l’abrogation, gel et report de PPCR (Parcours professionnels, carrières et rémunérations) et gel des mesures catégorielles…
Ainsi, le budget de la Justice en fait les frais aussi ! Il s’agit d’un budget en trompe œil, particulièrement décevant et qui n’est pas à la hauteur des enjeux de politiques publiques et qui ne va pas résoudre un problème crucial : la surpopulation carcérale et l’explosion des flux carcéraux !
Mesures catégorielles envers les personnels en danger ?
Ces mesures figurent dans le bleu budgétaire présenté par le Ministère et sont accompagnées de 16,8 millions de crédits dont 6,2 millions PPCR, 7,5 millions réforme statutaires majeures (catégorie A et augmentation du taux de promus / promouvables filière insertion probation, création du statut ministériel de psychologue qui est un véritable serpent de mer depuis 3 ans, commandement et technique …), 3,2 revalorisations des différents régimes indemnitaires (PSS, IFPIP, IFO)…
Mais à la suite des annonces de Gérald Darmanin sur le gel et le report de PPCR à 2019: la majorité de ces mesures catégorielles sont remises en cause, notamment celles qui devaient bénéficier aux personnels des Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation.
Pour rappel les personnels des SPIP, profession à prédominance féminine (75%), se sont massivement mobilisés en 2016 durant 6 mois, bien qu’étant privés du droit de grève. Ils ont obtenu satisfaction dans leur revendication. L’engagement a été pris au plus haut niveau de l’Etat. En effet, un relevé de conclusions a été signé par l’ensemble organisations syndicales représentatives et signé par le garde des sceaux mais surtout contresigné le 26 juillet 2016 par le président de la république François Hollande ! Quelle continuité de la parole d’Etat ? Quelle valeur ? Si aujourd’hui le président Macron remet en cause ces avancées obtenues, il bafoue la parole d’Etat !
A ce jour les personnels n’ont pas de réponse claire du ministère de la justice sur cette remise en cause inacceptable et se sentent méprisés !
Concernant la retraite des ASS ayant intégré le corps de CPIP, le ministère s’était engagé à régler cette situation injuste par un amendement gouvernemental au moment des discussions budgétaires sur le PLF et le PLFSS 2018 : qu’en-est-il ? Les personnels concerné.e.s n’ont aucune réponse sur leur situation et sont lésé.e.s dans leur droit à la retraite.
Face à la surpopulation carcérale : quel remède ?
Le rapport de 2016 IGSJ, IGAS, IGF sur l’évaluation des politiques interministérielles confirme que la surpopulation carcérale est un échec collectif et affirme la nécessité indispensable de valoriser le milieu ouvert et de maitriser le recours à la détention pour véritablement entrer dans une logique de réinsertion et de réduction des coûts des finances publiques.
Malgré les discours de façade du gouvernement sur le changement de changer de paradigme en termes de politique pénale, les orientations budgétaires contredisent totalement cet affichage !
L’accroissement du parc carcéral : une fausse bonne idée
Certes, le budget de la justice est en hausse mais le budget de l’administration pénitentiaire est toujours autant grevé par le poids de l’immobilier et l’accroissement du parc carcéral (42% des autorisations d’engagement) et cela se fait toujours au détriment de l’entretien et l’amélioration du parc existant (vieillissement, pas de rénovation, vétusté) dont le budget est en baisse de 33 % par rapport à 2017.
La réinsertion parent pauvre
Le budget de 24,9 million d’euros pour le déploiement des activités en détention est en toute légère hausse par rapport à 2016 (24,3) mais cela est loin très loin suffisant pour atteindre les recommandations du conseil de l’Europe qui préconise 8h d’activités par jour en dehors de la cellule (aujourd’hui on peine à être à 3h30).
Alors qu’a contrario le budget sur la sécurisation des établissements pénitentiaires est en explosion constante + 65% déjà entre 2016/2017 et encore +7% en 2018 : c’est le 2ème poste budgétaire de l’AP.
Les alternatives à l’emprisonnement toujours aussi négligées
Les SPIP sont le pivot des politiques publiques d’accompagnement des personnes condamnées vers la réinsertion. Pourtant ces services sont en constante pénurie en terme de moyens humains et financiers.
Pour rappel : c’est le milieu ouvert qui est le plus efficace en terme de lutte contre la récidive : 61% des sortants de prison récidive alors que seulement 34% en TIG, 32 % en SME.
De plus, le coût de la prison par rapport au milieu ouvert est bien plus important: 104 euros par jour en prison / 34 euros en placement extérieur par exemple.
Le président Macron dit avoir comme objectif : 40 personnes à suivre par conseiller d’insertion et de probation. L’objectif est plus que louable pour la CGT bien évidemment mais les budgets sont loin d’être à la hauteur de cet enjeu !
A peine 150 postes de crées en SPIP dont 113 CPIP et ASS ! Alors qu’aujourd’hui dans la grande majorité des services chaque travailleur social prend en charge entre 100 à 150 personnes.
C’est donc bien insuffisant en terme de renforcement des ressources humaines : il faudrait doubler les effectifs actuels de 3200 CPIP.
Alors que les manques de personnels administratifs sont criants et que leurs charges de travail sont démesurées, seulement 8 postes de secrétaires administratifs et 9 postes de secrétaires administratifs seront créés !
Alors que les agents non titulaires font les frais d’une gestion désastreuse allant jusqu’à la maltraitance institutionnelle et que la précarité est le lot de nombreux personnels en service pénitentiaire d’insertion et de probation, rien n’est fait pour remédier à cette situation inacceptable !
A ce manque de moyens humains et charges de travail insupportables pour l’ensemble des personnels des SPIP, s’ajoutent :
- la baisse du budget de fonctionnement des SPIP à 36,3 M au lieu de 40,9 en raison de la non stabilité des budgets liés à la lutte contre la radicalisation (PLAT et PRAT),
- la baisse des budgets alloués aux aménagements de peine (Placement Extérieur : -26%, Placement sous Surveillance Electronqiue : -27%)
- l’insuffisance des crédit d’insertionpourtant indispensables afin de développer les partenariats nécessaires pour construire des projets d’insertion pour les personnes condamnées.
Ce budget est une véritable hypocrisie et la CGT et les personnels des SPIP ne sont pas dupes ! L’extension du parc carcéral est incompatible avec ce soit disant changement de paradigme de politique pénale !
La course au tout carcéral n’est pas un remède face à la surpopulation carcérale endémique : plus on crée de places de prison, plus on incarcère ! Les chiffres de la surpopulation carcérale en témoignent.
D’autres pays européens ont choisi une autre voie. Ainsi la France est le mauvais élève du Conseil de l’Europe qui constate au contraire une baisse générale au niveau des pays européens de 7% de la population carcérale en un an. Les Pays bas ont vu leur population carcérale divisée par deux au point de fermer les prisons et en Allemagne, celle-ci a baissé de 23%.
A contrario, en France, 19000 personnes condamnées à des peines de moins d’un an pourraient ainsi bénéficier d’un aménagement de peine au lieu d’être incarcérées !
Il est indispensable de changer en profondeur la politique pénale en dépénalisant et en adoptant une politique qui vise véritablement la réinsertion des personnes et non leur exclusion de la société.