Compte-rendu du Comité technique ministériel du 5 mai 2017

Dernier jour pour un « dernier  acte de responsabilité », pour reprendre ses propres termes, en tant que Ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas a fait « acte de présence » pour une partie de la matinée au comité technique ministériel qui se tenait le 5 mai et qui se terminait de longues heures plus tard.

Version imprimable Compte-rendu CTM du 5 mai 2017

Comme nous le déclarions en liminaire, ce comité était chargé de symboles car résonnant comme un bilan d’orientations sécuritaires, il a tout de même permis la validation des projets de textes indiciaires et statutaires pour la filière insertion probation et ainsi l’accès à la catégorie A pour les conseiller-e-s et ce grâce à la lutte historique menée par les personnels en 2016.

En revanche, le Ministre de la Justice ne peut se féliciter du sort des psychologues qui attentent depuis plus de 3 ans que les promesses de la création d’un corps ministériel soit acté.

De même, le garde des Sceaux n’aura pas saisi l’opportunité de réaffirmer symboliquement le respect de la liberté d’expression des personnels de son Ministère et de ses représentants syndicaux, préférant rester sourd au courrier unitaire qui lui était adressé quelques jours plus tôt par les secrétaires généraux de la CGT et de la FSU ainsi que les présidentes du Syndicat de la Magistrature et de la Ligue des droits de l’Homme concernant l’annulation de la sanction envers Mylène Palisse.

  • Projets de texte Protection Judiciaire de la Jeunesse

Le CTM avait pour ordre du jour une modification du décret statutaire des éducateurs permettant un concours à affectation locale en Polynésie Française et en Guyane.

La CGT revendique haut et fort la priorité aux originaires d’outre mer.

Malheureusement, le texte présenté n’est pas à la hauteur de l’ambition. En effet, ce concours visant deux territoires à statut différent, le Ministère fait porter une fragilité juridique dont il est pourtant bien conscient au risque de voir les belles intentions remises en cause dans les faits.

Au détour de ce texte, l’administration a modifié les modalités de la troisième voie de recrutement, qui ne peut plus  spécifier les domaines sportif pour les expériences requises, en raison de dispositions législatives récentes. L’administration pensait s’exonérer de l’explication de texte, sans laquelle nous aurions pu raisonnablement suspecter une volonté de retirer la référence au travail social.

La CGT s’est abstenue sur ce projet de texte.

Le décret statutaire des directeurs de la Protection Judiciaire de la Jeunesse était quant à lui une transposition des dispositions liées au Parcours Professionnel Carrière et Rémunération (PPCR) et à l’accès à la catégorie A pour les éducateurs et les assistants de service socio-éducatifs.

Cette anticipation n’est pas la même lorsqu’il s’agit des travaux pour le statut des éducateurs qui n’en sont qu’à leurs prémisses et encore source de nombreuses interrogations.

La CGT a voté contre ce texte.

  • Projets de textes Insertion Probation

Malgré des pseudos négociations, la CGT a été force de propositions sur cette réforme statutaire et exigé que les textes puissent être validés avant le changement de gouvernement pour permettre aux personnels de voir les acquis de leur lutte inscrits dans le marbre. D’autant que les discussions budgétaires pour le projet de loi de finances 2018 va s’engager et qu’elles prendront ainsi en compte le financement de cette réforme et les conséquences en termes de taux de promus-promouvables.

La CGT insertion probation a engagé en un temps record une consultation de ses syndicats locaux et de son instance nationale qui ont validé cette réforme. Forte de ce mandat, la CGT a défendu ses positions pour qu’en comité technique ministériel les engagements pris soient tenus, sans laisser la place à un détournement des missions.

La réforme statutaire des Conseillers Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (CPIP)

Concernant les missions inscrites dans le statut, la CGT s’est montrée offensive pour conserver l’identité professionnelle de travailleur social et a réussi à amender largement le projet de l’administration concernant les missions des CPIP.

Les très longs débats en Comité technique des SPIP quelques jours précédemment ont permis à l’administration de prendre en compte un certain nombre d’amendements portés par la CGT.

Nous avons réaffirmé leur expertise en matière « d’accompagnement socio-éducatif » qui avait disparu dans la première mouture du texte. Il a été nécessaire de batailler pour faire comprendre qu’ils ne sont pas des « experts criminologues » mais qu’ils disposent « des connaissances en criminologie » permettant d’œuvrer à l’individualisation des peines. L’amendement de la FSU sur ce point n’a heureusement pas été adopté. Il n’était pas non plus acquis que soit rappelée dans le statut la mission de prévention des effets désocialisants et de préparation à la sortie en milieu fermé dont certains ont souhaité la disparition…et surtout nous avons dû insister pour que les responsabilités qui sont les leurs en terme d’impact sur les libertés individuelles des personnes placées sous main de justice soient explicitement reconnues au même titre que leur implication au sein des services en termes de conception, de mise en œuvre et d’animation du partenariat dans l’optique de responsabilisation et de restauration de l’autonomie…

Cette implication des CPIP dans le partenariat n’était pas du goût de certains qui ne voyaient cette question relever de l’unique compétence  des directeurs.

La réécriture de cet article aura permis redonner leur sens aux missions des conseillers d’insertion et de probation et de renouer, dans les textes, avec le travail social et l’accompagnement socio-éducatif, toujours à l’œuvre dans les services. Ces notions de travail et d’accompagnement social qui « font saigner les oreilles » de certains sont la base et l’essence même du métier d’insertion et de probation, il n’était pas question pour la CGT de laisser passer par le biais du statut ce que les personnels ont rejeté avec le Diagnostic A Visée Criminologique !

Concernant les bornages indiciaires (en 2020 : IM 1er grade 394-638 et 2nd grade 503-668), ils correspondent à 5 points près à ceux du premier grade de la catégorie A type et sont donc extrêmement proches de ceux proposés par la CGT. Ainsi des gains indiciaires importants (entre 30 et 50 points d’indice selon le grade et l’échelon, soit entre 140 et 240 euros bruts mensuels) et de nouvelles perspectives d’avancement et de mobilité sont une satisfaction pour les personnels et pour la CGT qui les représente en terme de revalorisation du pouvoir d’achat, notamment des bas salaires. La CGT se félicite également de l’intérêt général pour l’ensemble de la profession. Ainsi un CPIP titularisé en 2016 perçoit actuellement 1597 euros bruts par mois alors qu’un futur collègue CPIP titularisé en 2020 percevra 1846 euros brut par mois, ce qui correspond au salaire actuel d’un CPIP au 5ème échelon soit au moins 8 ans d’ancienneté !

Les  modalités de reclassement dans les nouvelles grilles indiciaires et surtout pour les personnels actuellement en hors classe sont insatisfaisantes. Ces modalités ont été arbitrées par Matignon et en dehors des organisations syndicales. Les personnels ont en effet été privés d’un réel espace de négociations comme nous l’avons souvent dénoncé. Si la CGT n’a pas pu peser de tout son poids sur ces éléments, elle a demandé un engagement interministériel  pour fixer un taux de promus/promouvables qui permettra aux agents hors classe d’accéder au nouveau second grade d’ici 2020, sans avoir besoin de repasser un examen professionnel. Il y a eu un engagement de principe sur un taux très favorable et le Secrétariat Général a d’ailleurs rappelé que ces arbitrages ont été déjà obtenus en réunion interministérielle. La CGT a également obtenu que ces taux puissent être discutés et soumis au Comité Technique des SPIP. Il est clair que la CGT comme à son habitude saura se montrer intraitable pour favoriser l’intérêt du corps de CPIP. Ce qui n’est pas encore gagné n’est pas perdu !

Nous savons aussi que de la proportion des agents bénéficiant de l’avancement par l’examen professionnel  par rapport à celui au choix à l’ancienneté est un levier à ne pas sous estimer et qui sera, à la demande de la CGT discuté avec les organisations représentatives des personnels. Cela permettra selon la physiologie du corps de moduler ce rapport afin de tirer au mieux l’ensemble de la profession vers le haut.

La question de la durée minimale de 2 ans d’affectation sur un premier poste a également fait débat puisque la CGT soutenait que la fin de la pré affection conduisait à la suppression de cette obligation. L’administration s’est opposée à cette suppression sans pour autant avancer le moindre argument ! La CGT a ouvert une brèche en invoquant un arrêt du conseil d’Etat remettant en cause le principe de la fidélisation. Nous avons donc amené l’administration à devoir faire une expertise juridique sur ce point avant le passage en Conseil d’Etat du texte.

Il n’y a eu que très peu de discussions sur les textes indiciaires relatifs à  l’ensemble de la filière. Ce décret reprend les bornages qui avaient été communiqués et surtout définitivement arbitrés et tranchés entre la Fonction publique, le Budget et la Justice et donc non modifiables. Ces textes ne seront d’ailleurs pas soumis pour approbation au Conseil d’Etat et seront d’application directe.

La réforme des Directeurs Pénitentiaires d’Insertion et de Probation (DPIP)

Pour les DPIP la CGT avait proposé un recrutement sur titre pour diversifier les profils  en permettant un accès aux personnes disposant d’un diplôme socio-éducatif ou médico-social comme le CAFERUIS ou le CAFDES. Malgré l’opposition de la FSU, l’administration a intégré cette possibilité. Cette ouverture  du corps des DPIP est vue par la CGT comme une richesse.

Si la CGT se félicite de l’allongement de la formation des DPIP de 12 à 24 mois compte tenu des enjeux essentiels qu’elle représente, la CGT ne peut que s’insurger de la redéfinition des missions telle qu’elle a été adoptée et portée par une organisation syndicale. Les DPIP exercent désormais « des fonctions d’encadrement, de direction, de conception, d’expertise, de contrôle de leurs services et d’évaluation des politiques publiques en matière d’insertion, de probation et de SECURITE ». La CGT a tenté de faire supprimer ce dernier domaine qui conduit les DPIP à répondre à des missions qui seraient totalement étrangères à celle des SPIP et relèveraient davantage du ministère de l’intérieur et du renseignement !  En effet, toutes les interprétations sont possibles et laissent la porte ouverte à de dangereux détournements de missions. L’administration défend l’idée que les SPIP participent à l’élaboration des politiques publiques de sécurité compte tenu de la participation des directeurs aux instances types comités locaux de prévention de la délinquance. De façon étonnante, les directeurs de la PJJ qui sont pourtant dans les mêmes instances n’ont aucunement intégré cette dimension dans leur statut !

Mais le pire est venu de la FSU qui voulait également confier cette mission de sécurité aux DFSPIP !  De façon surprenante, l’administration n’a pas souhaité modifier les missions de DFSPIP : serait-ce à dire que ce détournement de missions n’est pas assumé par la plus haute hiérarchie mais par les cadres. C’est ce genre d’interprétation extensive qui conduit aujourd’hui l’ensemble des cadres à tenir des astreintes 24h/24 et 7/7 jours en Ile de France pour renseigner les « cellules de veille » au mépris des règles régissant le temps de travail et faisant abstractions de toute déontologie professionnelle.

C’est en outre la CGT qui a demandé et obtenu que soient insérées dans les compétences et missions des DPIP « la responsabilité de l’organisation et le fonctionnement des services ». En effet, cette dimension est essentielle et un enjeu très important. Il suffit de lire les nombreux tracts locaux qui dénoncent les défaillances en termes d’organisation de service, au mépris des règles du dialogue social, pour en comprendre l’importance. Car rappelons-le, les projets liés à l’organisation et au fonctionnement des services doivent faire l’objet d’un examen en comité technique local. Il est essentiel que les DPIP soient formés et informés sur le droit syndical, les règles de dialogue social mais également à un « management » participatif et non autoritaire.

La CGT continue de regretter que le rôle d’encadrement et d’animation soit envisagé sous un angle purement gestionnaire, et que celui d’appui ou de conseil technique des équipes soit totalement absent.

Dans la stricte application du relevé de conclusions, l’administration a, dans le cadre de PPCR, créé un troisième grade, un grade à accès fonctionnel (GRAF) qui culmine à des indices sommitaux particulièrement avantageux (830 – hors échelle pouvant aller jusqu’à 967).

La CGT a  rappelé son opposition aux statuts d’emploi et ainsi de celui de DFSPIP, qui n’est pas un vrai statut  car il contingenté en fonction des budgets et non des besoins. De plus les personnels sont nommés de manière discrétionnaire directement par l’autorité hiérarchique administrative, sans aucune garantie statutaire.

La revalorisation indiciaire  des DPIP concerne les 6 premiers échelons de la classe normale et le 1er échelon du hors classe. C’est exactement ce que prévoyait le relevé de conclusions signé par l’ensemble des organisations représentative dans les SPIP, qui indiquait qu’une surindiciation de certains échelons par rapport au A type devait être mise en place. Pour la CGT cette revalorisation touche ainsi les plus bas salaires et concerne 43% des DPIP qui n’ont pas de postes de DFSPIP.

La CGT a voté pour le projet de statut de CPIP ainsi que le décret d’échelonnement indiciaire (grilles). Cette réforme et sa concrétisation dès le 1er février 2018 est à mettre au crédit de la lutte menée par les personnels.

Ces projets ont emporté un avis favorable du comité technique malgré le vote de la FSU contre l’ensemble des projets de texte.

La CGT s’est abstenue sur le décret modifiant le statut de DPIP compte-tenu de la modification des missions qui ne peuvent que nous inquiéter d’autant plus dans un contexte d’état d’urgence permanent, de dérives sécuritaires et de délire sur le renseignement pénitentiaire.

Enfin, la CGT a voté contre le statut d’emploi de DFSPIP en cohérence avec sa ligne revendicative contre les statuts d’emploi.

Les élu.e.s et expertes de la CGT

 

Montreuil, le  18 mai 2017