Le 10 mars dernier, le comité technique ministériel avait pour ordre du jour plusieurs sujets d’importance : la réorganisation du secrétariat général dont un projet de décret visant la création d’un service à compétence nationale, les missions de renseignement pénitentiaire et le RIFSEEP pour les corps communs.
Version imprimable CR CGT CTM 10 mars 2017
- Réorganisation du secrétariat général
Dans une déclaration commune, la CGT et le Syndicat de la magistrature ont rappelé leurs exigences en termes de concertation concernant la réorganisation du secrétariat général. Pour nos organisations, rejointes par d’autres, ce projet fait l’objet d’un véritable tour de force de la part du Ministère de la Justice qui organise une parodie de dialogue social au détriment des intérêts des personnels.
En une dizaine de jours chrono, le Ministère organise la consultation de toutes les instances des différentes directions et d’administration centrale, tout en refusant de produire une étude d’impact en termes de risques psycho-sociaux et de conditions de travail, et d’engager la consultation essentielle du CHSCT Ministériel.
Pourtant, cette réorganisation ne concernera pas uniquement les personnels d’administration centrale mais l’ensemble des personnels du Ministère de la Justice car cette réforme porte sur les compétences du secrétariat général en termes de ressources humaines (statuts, formation, recrutement…), d’immobilier, d’achats ou encore d’informatique. Ces enjeux sont loin d’être anodins et méritent réflexion et dialogue social véritable.
Rappelons également que les personnels d’administration centrale ont récemment vécu un déménagement au Millénaire (Porte d’Aubervilliers) dont les séquelles sont encore présentes. De plus, faute d’effectifs suffisants, et de commandes politiques frénétiques, ils subissent, tout comme l’ensemble des personnels relevant du ministère de la Justice, une pression et des charges de travail intolérables.
Le 23 mars, le CTM se réunira à nouveau pour acter définitivement cette réorganisation en mettant les organisations syndicales et les personnels devant le fait accompli.
- Projet de décret visant la création d’un service à compétence nationale (Agence Nationale des techniques d’enquête numériques)
Il s’agit d’une plateforme qui gère les réquisitions des magistrats envers les opérateurs téléphoniques et qui a vocation à s’étendre, au delà des écoutes téléphoniques, aux interceptions des données informatiques et aux géolocalisations.
Suite à des incidents défrayant la chronique et à un avis très critique de la Cour des Comptes recommandant le renforcement des moyens et des compétences de cette agence, un projet de création d’un service national est soumis au CTM.
Plusieurs organisations ont proposé d’intégrer un représentant de la CNIL au sein du comité d’orientation de cette agence, afin de mieux garantir la préservation des libertés individuelles en termes d’informatique et de liberté. Cette proposition, tout comme les questions sur les enjeux budgétaires pourtant légitimes, ont été balayées d’un revers de la main par l’administration.
La CGT a voté contre ce projet de texte.
- Projets relatifs aux nouvelles missions de renseignement pénitentiaire
Les décrets présentés au CTM ont pour objectif de décliner les modalités des deux régimes juridiques selon lesquels le renseignement pénitentiaire peut désormais utiliser des techniques intrusives de renseignement (réservées auparavant aux seuls services de renseignement du premier cercle).
Code de Procédure Pénale
Contrôle du procureur de la République
Ne peut être à l’insu des personnes concernées Affichage en détention, inscription au règlement intérieur, notification en cas de saisie de matériel |
Code de sécurité intérieure
Contrôle de la Commission Nationale de Contrôle des Techniques de Renseignement
A l’insu des personnes concernées |
Interceptions de correspondance, par voie électronique, et des données de connexion, fouilles d’ordinateurs, de téléphones détenus licitement ou illicitement | Accès aux données de connexion en temps différé et localisation d’équipements terminaux, géolocalisation en temps réel, ISMI catcher, interception de sécurité et balisage |
Tout d’abord, une nouvelle finalité vient justifier l’utilisation de techniques de recueil de renseignements : celle de prévenir les évasions, assurer la sécurité et le bon ordre des établissements pénitentiaires. Tout comme l’observe la CNCDH dans son avis publié le 1er mars 2017, cette finalité n’était pas initialement prévue dans la loi sur le renseignement du 24 juillet 2015, « ce qui étend très largement le champ d’application à des finalités » qui « correspondent aux missions de base exercées quotidiennement par les personnels de l’administration pénitentiaire à l’égard de la population pénale incarcérée. » « Dès lors cette finalisation des mesures s’avère fictive : tout dans le fonctionnement ordinaire de la prison, y correspond déjà. »
La CGT dénonce cette finalité au contenu plus que flou permettant de justifier n’importe quelle utilisation de techniques de renseignement envers les personnes détenues et détournant de leurs missions de garde et de réinsertion, les personnels de l’administration pénitentiaire. Alors que le ministère a été arrêté dans ses velléités d’extension de ces prérogatives au public pris en charge en milieu ouvert (fort heureusement), en milieu fermé, l’hypocrisie est à son comble : les personnels, intervenants, familles seront ainsi également sous surveillance d’une administration dont on ne peut espérer qu’elle s’autorégule!
De nombreuses questions des organisations syndicales sont restées sans réponse concernant l’« accès permanent, complet et direct » aux autorités de contrôle (procureur de la république ou CNCTR) des informations stockées, à la limitation des personnels habilités, à la limitation fictive d’un an renouvelable de l’autorisation donnée par le Procureur de la République …
La mise en œuvre de ces nouvelles pratiques ne peut que rompre le lien de confiance avec les personnes prises en charge et vient en totale contradiction avec les recommandations du Conseil de l’Europe pourtant signées par la France. La suspicion généralisée et le climat délétère qu’elle entraîne auront des conséquences largement contreproductives entraînant stigmatisations et confusions dans les rôles des uns et des autres. Le secret professionnel et les principes déontologiques sont totalement absents des réflexions et les personnels vont se retrouver dans une insécurité professionnelle qui ne peut que les mettre en danger à terme.
Seules des organisations progressistes et humanistes comme la nôtre, le Syndicat de la Magistrature ou encore la FSU ont rappelé les principes essentiels comme ceux de la protection de la vie privée inscrits dans l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme face à une administration et à d’autres organisations peu enclines à prendre en considération les avis éclairés de la CNCDH, ni même de la CNCTR.
Dans un contexte d’état d’urgence permanent et d’instrumentalisation des peurs, le gouvernement et le ministère de la justice (vous avez dit justice?) déroulent leurs projets au mépris de tous ces principes, ayant tracé les jalons d’une intégration pure et simple de l’administration pénitentiaire au ministère de l’intérieur.
La CGT a voté contre ces projets de texte.
- Circulaire relative à la cartographie des fonctions (Régime Indemnitaire tenant compte des Fonctions des Sujétions de l’Expertise et de l’Engagement Professionnel) pour les corps interministériels et communs
Le RIFSEEP contrairement à la désinformation de la fonction publique (le ridicule ne tue pas !) est une véritable usine à gaz, qui divise les agents, qui soumet les agents à l’arbitraire de leur chef.
Le RIFSEEP c’est la prime à l’emploi au mépris des statuts particuliers, un frein à la mobilité ! |
Le RIFSEEP et un nouveau régime indemnitaire imposé par la fonction publique malgré l’opposition de l’ensemble des organisations syndicales. Il a pour vocation à remplacer les différentes primes versées et à mettre en place des primes variables selon les fonctions exercées, la façon de servir, l’engagement professionnel… Il s’agit d’un système complexe, opaque qui favorise les inégalités de traitement, crée une concurrence entre les agents et constitue un levier du management autoritaire dans les services.
Depuis le 1er janvier 2016, les corps communs sont soumis au RIFSEEP mais le Ministère aura mis plus d’an pour définir une cartographie des groupes de fonctions.
Le RIFSEEP c’est deux primes :
- L’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) versée chaque mois « permet la valorisation de l’exercice des fonctions »
- Le Complément indemnitaire annuel (CIA) versé de façon facultative, une à deux fois par an « vise à valoriser l’engagement professionnel et la manière de servir, dont l’appréciation se fonde notamment sur l’entretien professionnel »
Au moment de la bascule, le niveau des primes de 2015 a été maintenu pour la mise en œuvre du RIFSEEP.
Cette indemnité est revue tous les 4 ans ou à un moment clé de la carrière : changement de fonctions ou de grade. Néanmoins, une réorganisation de services ou un reclassement lié à une réforme statutaire n’entraînent pas un réexamen.
Le projet de circulaire présenté au CTM ne l’était que pour information. Ses annexes fixent le montant maximal de l’IFSE selon les groupes de fonctions. De manière générale, les fonctions exercées en administration centrale bénéficient de montants plus importants.
La CGT continuera de dénoncer ce régime indemnitaire désastreux et de revendiquer une revalorisation salariale au bénéfice de toutes et tous par l’augmentation du point d’indice gelé durant de nombreuses années et par des reconnaissances statutaires.
Montreuil, le 22 mars 2017