Le comité technique ministériel du Ministère de la Justice qui s’est déroulé les 9 et 10 juillet 2015 avait été programmé sur deux journées compte tenu de son ordre du jour conséquent.
Le secrétariat général aura préféré tenir un véritable « marathon » le premier jour jusqu’au bout de la nuit au mépris :
– de toutes les garanties minimales en termes de temps de travail
– et des beaux discours sur l’égalité « réelle » entre les femmes et les hommes mettant en avant un meilleur équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle.
La CGT ne cautionne en aucun cas ces conditions déplorables de dialogue social et a quitté la salle à 21 heures tout comme la FSU et le Syndicat de la Magistrature. Si le cabinet n’avait pas rappelé à l’ordre le secrétariat général afin que des textes statutaires ne soient pas examinés sans l’ensemble des organisations syndicales, l’ordre du jour aurait été éclusé « fissa » dans la nuit.
Tout ça pour au final clore le CTM en milieu de journée le vendredi. Bref !
- Egalité entre les femmes et les hommes
Ironie de l’histoire, le premier sujet à l’ordre du jour était l’égalité entre les femmes et les hommes. Madame Marie Françoise LEBON-BLANCHARD, haute fonctionnaire en charge de l’égalité des droits au ministère de la Justice depuis le 7 mars 2014 a présenté sa mission qui consiste à coordonner les travaux et états des lieux et à suivre les plans ministériels et interministériels sous les angles des ressources humaines, des politiques publiques et des publics (PPSMJ et justiciables).
Le secrétariat général a présenté sur table un bilan RH qui donne quelques éléments chiffrés sur la formation initiale, l’emploi et la précarité, la parité et l’accès aux responsabilités.
La CGT déplore qu’il ne s’agisse que de belles paroles et que peu d’avancées concrètes soient mises en œuvre au ministère de la Justice. Pour l’anecdote, la lettre de mission de la haute fonctionnaire ne prend pas en compte la féminisation des noms de métier et comporte des coquilles peu heureuses se jouant du féminin et du masculin…
Alors que les politiques d’austérité impactent directement les femmes pénalisées par le recul des services publics, que la précarité et la flexibilité touchent davantage les femmes (sur l’ensemble du ministère, 51,8% des agents non titulaires sont des femmes et 91,5% des temps partiels concernent les femmes), dans la Fonction Publique l’enjeu n’est pas des moindres avec notamment une grande féminisation de certains corps et l’impact du gel du point d’indice depuis 2010 sur les salaires et le pouvoir d’achat.
Il est d’ailleurs regrettable que l’administration ne soit pas en mesure de donner des éléments chiffrés sur les rémunérations et indemnités. Les montants et répartitions des primes sont effectivement assez opaques et le nouveau régime indemnitaire, le RIFSEEP que la CGT combat, engendrera toujours plus d’inégalités.
- Projet de décret relatif aux conditions dans lesquelles les journalistes accompagnent les parlementaires visitant un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé
La loi du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a prévu cette nouvelle possibilité dans son article 18. Cette disposition est d’ores et déjà applicable et le ministère devait prendre un décret en Conseil d’Etat afin de préciser les conditions de cet accompagnement.
La CGT a salué cette nouvelle disposition législative qui avait d’ailleurs été mise en avant dans le cadre de la conférence de consensus.
La communication sur la réalité des prisons est en effet un axe important qui peut être un levier de sensibilisation des citoyens sur ces problématiques et ces publics. Elle peut également être à plus long terme un levier d’amélioration des conditions de détention des personnes incarcérées et des conditions de travail des personnels.
Dans le même esprit, la CGT a rappelé sa forte revendication d’abrogation du statut spécial qui muselle les personnels pénitentiaires.
La CGT a défendu qu’il était nécessaire de garantir aux personnels le respect du droit à leur image. Le projet de texte présentait des lacunes sur cette question. Le consentement par écrit est nécessaire et cela a été précisé pour tous les personnels « présents à l’établissement » et non pas seulement des personnels « de l’établissement » comme initialement prévu. Les personnels présents en CEF avaient été oubliés dans la rédaction présentée, cela a été rectifié suite aux observations des OS.
La CGT a également pointé l’absence de rappel du droit à l’image des personnes détenues. L’administration a assuré que la loi pénitentiaire le garantissait et qu’il n’était nul besoin de le préciser dans ce décret !
Le projet de texte soumis au CTM prévoit qu’un même journaliste ne puisse accompagner un parlementaire plus de 5 fois par an pour un établissement pénitentiaire et plus de 3 fois pour un centre éducatif fermé. Les mêmes chiffres sont pris comme plafond du nombre de journalistes pouvant accompagner un parlementaire lors d’une visite. L’administration dit vouloir éviter les abus et les contournements des demandes classiques de reportages.
L’administration pénitentiaire réserve également la possibilité pour le chef d’établissement d’écarter les journalistes des dispositifs expérimentaux. La DAP pense-t-elle notamment aux expérimentations de quartiers dédiés aux personnes détenues radicalisées et ne souhaiterait pas que les journalistes y mettent trop leur nez ?
La CGT a rappelé que la liberté de la presse ne pouvait se voir infliger de telles restrictions. L’administration n’a accepté aucune modification de ces dispositions.
Compte-tenu de tous ces éléments, la CGT s’est abstenue sur le vote de ce texte.
- Projet de décret modifiant le décret n°2008-1103 du 28 octobre 2008 relatif à l’emploi de conseiller d’administration du ministère de la justice
Ce projet de texte relatif à l’emploi de conseiller d’administration vise à exclure les détachements des prérogatives de la CAP et à assouplir les conditions d’accès à ce statut d’emploi (afin d’élargir le vivier des fonctionnaires pouvant y prétendre).
Il vise également à exclure de ce texte les fonctionnaires de la grande chancellerie de la légion d’honneur suite à une décision du Conseil d’Etat qui précise que cet établissement est une personnalité morale sui generis.
La CGT a rappelé sa forte opposition aux statuts d’emplois et a voté contre ce texte.
- Projet de décret fixant l’échelon indiciaire des corps et emplois du ministère de la justice
Ce décret a vocation à répertorier l’ensemble des échelonnements indiciaires qui sont jusqu’à présent inclus dans des textes épars.
Compte tenu des débats, ce point d’ordre du jour a été reporté. En effet, il est préférable d’attendre l’issue des négociations en cours sur les Parcours Professionnels Carrière et Rémunération (PPCR) mais également pour les personnels techniques de la DAP. Pour ces derniers, dans le cadre des discussions engagées, la CGT a porté un projet de revalorisation indiciaire.
- L’impact de la réforme territoriale au ministère de la Justice
Sur le sujet de la réforme territoriale, le dialogue social n’a consisté qu’en points d’information durant les mois de mai et juin.
La cartographie des directions interregionales des services pénitentiaires et de la protection judiciaire de la jeunesse, des Plateformes interrégionales (PFI) et des budgets opérationnels de programme (BOP) va être modifiée afin de prendre en compte la réforme territoriale avec ses 13 nouvelles régions. L’hypothèse de la création de 13 régions n’est pas envisagée pour des raisons budgétaires.
La Haute Normandie va ainsi être transférée de Lille à Rennes. La Champagne Ardennes va basculer de Dijon à Nancy (DIR PJJ et PFI) et Strasbourg (DISP). La Franche Comté quant à elle fera le chemin inverse.
Les sièges de ces interrégions ne seront pas déplacés et la carte judiciaire ne sera pas modifiée.
Il a été arbitré par le Ministère que ces adaptations des ressorts territoriaux se feront au 1er janvier 2017 excepté pour la PJJ qui dès janvier 2016 va adapter ses interlocuteurs à la nouvelle carte des régions en termes de politiques publiques, charge aux DIRPJJ de se coordonner entre elles dans la période transitoire.
- Le Régime Indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP)
Le RIFSEEP devait s’appliquer au 1er juillet 2015 pour les corps interministériels et communs. Cette date a été reportée au 1er janvier 2016. A ce jour, seuls les adjoints administratifs du ministère de la défense (depuis décembre 2014) et les administrateurs civils (à compter du 1er juillet 2015) voient ce nouveau régime s’appliquer.
La Ministre de la Justice a annoncé en séance sa décision de reporter le vote qui devait avoir lieu sur l’adhésion des corps communs (secrétaires administratifs, adjoints administratifs, adjoints techniques) à ce nouveau régime indemnitaire, indiquant que cette question devait être approfondie et que de meilleures garanties devaient être données aux personnels avant de décider de s’engager dans cette réforme.
La CGT le rappelle ce régime indemnitaire est porteur de nombreuses inégalités entre les personnels. Au niveau de la Fonction Publique, la CGT demande l’abrogation de ce dispositif. Au ministère de la justice, la CGT a déjà eu l’occasion lors du dernier CTM et d’audiences avec le secrétariat général de mettre l’administration face à ses responsabilités. Il n’y a pas d’obligation à adhérer au RIFSEEP. Le décret du 20 mai 2014 créant le RIFSEEP l’indique dans son article 1er : « les fonctionnaires peuvent bénéficier » de ce régime indemnitaire.
Ce point devenu un point d’information a été étudié le 9 juillet dans la soirée, le secrétariat général n’ayant pas jugé utile que l’ensemble des organisations syndicales soient présentes.
- Approbation du procès-verbal du CTM du 3 avril 2015 qui avait pour objet principal le code de déontologie pénitentiaire
Tout comme le RIFSEEP, ce point a été traité hors notre présence. Il aurait été pourtant pour nous l’occasion de rappeler la démarche unitaire de la CGT, du Syndicat de la Magistrature, de la FSU, de la CFDT et de FO dans notre courrier à la Ministre du 3 juillet 2015. Qu’à cela ne tienne nous avons abordé ce sujet une fois l’ordre du jour épuisé et avons demandé à ce que ce courrier soit annexé au PV de ce CTM. Aucune réponse n’a été apportée, le secrétariat général poursuivant son dialogue de sourd sur cette question, malgré deux votes unanimes contre le projet de texte présenté alors par l’administration.
La CGT continuera son combat sur ce sujet et mettra tout en œuvre pour que les libertés individuelles des personnels et des personnes sous main de justice ne soient pas à ce point méprisées.
Un compte-rendu plus spécifique sur la réforme statutaire des personnels des greffes viendra compléter ce compte-rendu à la rentrée de septembre.
Montreuil, le 23 juillet 2015