Lettre ouverte à M. le Directeur Inter-régional de Rennes
Les abus d’ORIGINE…
C’est avec un grand intérêt que les agents des SPIP ont pris connaissance de votre courriel relatif aux « abus du déclaratif horaire par les agents ».
Comptable de l’efficience des services sous votre responsabilité, vous avez à coeur de veiller à ce que « ce gâchis d’énergie, de temps de travail et de crédibilité de la hiérarchie, cesse ». Voilà, ce qui est dit est écrit ! Qu’on se le dise, vous demandez à être informé « des situations anormales ». Bigre, la situation est grave!
Vous savez sans doute qu’une certaine insatisfaction perdure depuis la mise en place d’Origine et qu’un mouvement national des agents a suscité l’examen de cette question en Comité Technique et qu’une note de la Directrice de l’AP du 28 avril dernier reconnaît que « ce dispositif nécessite une évolution ».
Monsieur le Directeur, nous ne pensons pas que les agents des SPIP effectuent des demandes de régularisation par volonté de parasiter le travail des cadres, voire de nuire à l’institution. La petite remontée de bretelles que vous nous faites est digne de la cour d’école, période que nous avons, je l’espère, tous dépassée.
S’il y a des demandes de régularisation, c’est que, outre le litige avec la centrale sur la restriction des récupérations d’heures, le logiciel est extrêmement rigide quant au fonctionnement quotidien. Dès qu’un item n’est pas rempli ou bien rempli, toute la machine se bloque, notamment pour la demande de congés, les motifs d’absence ne prévoient pas de congés formation, … La longue liste des récriminations a déjà été publiée, nous n’y reviendrons pas.
GENESIS, le fleuron…
Abordons maintenant les disfonctionnements d’un autre fleuron de l’AP: Genesis.
Informons les non-initiés qui n’ont pas la chance d’être site pilote pour ce logiciel (seuls Angers et Nantes sont concernés), qu’il remplace Gide pour le milieu fermé mais qu’il a vocation à être utilisé en milieu ouvert. Bref, un chantier titanesque qui devrait révolutionner nos pratiques. Nous nous souvenons des belles paroles du garde des Sceaux de l’époque, Michel Mercier, lors de sa venue à Nantes en pleine affaire Meilhon (et vous étiez présent sans être encore en poste), avançant comme piste d’explication au carences du SPIP 44 et objectif d’amélioration, la maîtrise de l’outil informatique pour optimiser la communication entre milieu fermé et ouvert : rien que ça!
Et Genesis arriva (en décembre 2013).
Mais êtes-vous êtes au courant des dégâts qu’occasionne cette nouveauté ?
Il y a bien sûr le constat que les concepteurs ont complètement oublié de collecter les besoins des SPIP; on est malheureusement habitué à ça dans l’AP, c’était la même chose pour l’arrivée de Gide (pour les plus anciens) : il a fallu des années de modifications pour que cet outil, même s’il est lourd, nous apporte à peu de chose près tout ce que nous avons besoin pour collecter les infos concernant chaque personne suivie. Avis aux collègues qui n’ont pas encore Genesis, profitez de Gide !
Mais il y a aussi les données qui sont au coeur du métier de l’AP, qui « déconnent » complètement : après 8 mois de mise en service, des fiches pénales sont fausses devant être recalculés manuellement, certains détenus n’ont pas de fiche pénale informatisée, les calculs des dates de LC et PS sont aléatoires (parfois justes, mais souvent faux, donc pas fiables), les détenus ne peuvent plus faire de versements aux parties civiles, le cumul des salaires mensuels n’est pas fiable (déclaration CAF ou impôts), les certificats de présence ne sont pas fiables (dates aléatoires) donc l’ATA ne peut être versée, les ordonnances prises en CAP ne sont pas fiables ou pas accessibles pour le SPIP… Nous ne ferons pas le compte-rendu de la réunion de calage du 25 février qui a vu la Task Force descendre de Paris pour voir pourquoi ces « bouseux » de Province (on dit des Régions maintenant) n’arrivaient pas à se faire à ce logiciel ; les cadres des SPIP 44 et 49 ont mis deux jours à chercher le groupe de travail SPIP pour voir comment étaient prises en comptes les très nombreuses observations qui remontaient depuis décembre : hélas, point de groupe de travail SPIP (seulement des groupes pour les services dépendant des établissements) et point de remontées reçues par la Task Force. Quand on vous dit que c’est plus dur de monter que de descendre ! Il faut ajouter qu’on nous l’a vendu comme « plus convivial et souple » ; dans ce cas, vive l’autarcie et la rigidité ! Ce que nous constatons, par contre, c’est que ces nouveaux logiciels cloisonnent et complexifient le travail, et qu’ils renforcent plus le contrôle et la sécurité de l’Administration sur ses agents que l’amélioration des conditions de travail de ces derniers.
Au fait, il serait intéressant de connaître le coût financier d’une telle opération, depuis le début du début du projet ?
Vous ne savez peut-être pas, Monsieur le Directeur, ou vous n’en parlez pas, que pour les services les plus touchés par l’inadaptation de Génésis, c’est de la tension, de la pression, du stress, des journées à rallonge, des « engueulades » entre agents et services car, rien ne fonctionnant correctement, personne ne peut faire son travail normalement. Certains « pètent les plombs », d’autres se mettent en arrêt de travail, ou demandent à muter…
Pour les détenus, qui n’ont pas forcément la même retenue, ce sont des courriers qui restent sans réponse car les services, submergés par les disfonctionnements, n’ont pas le temps de répondre. Du mécontentement et de la violence montent dans les établissements concernés. Et le SPIP dans tout ça ? Il est en première ligne également pour expliquer, calmer, assurer que c’est un simple problème technique et que ça va s’améliorer…
L’autre jour en CAP, le JAP, excédé que les versements aux PC ne puissent être effectués depuis 8 mois et qu’il n’y ait pas de liste des personnes ayant exprimé la volonté de les mettre en place, a craqué et refusé l’octroi des RSP à un détenu pour la partie versements volontaires aux PC, alors qu’il obtenait l’intégralité depuis plusieurs années !
Aujourd’hui même, un avocat interpelle M. le Directeur du CP de Nantes pour s’enquérir des conséquences en termes de RSP et d’aménagement de peine sur son client, du fait du non-paiement des parties civiles malgré sa demande. Qu’allez-vous lui répondre ? Pour l’instant, et à notre connaissance, vos services n’ont guère pris les devants envers les principaux organismes de recouvrement des créances en partie civile (FGTI, SARVI…) pour expliquer la situation. Il est vrai qu’il faudrait un courage certain pour assumer la situation.
Nous n’attendons plus qu’un courrier de victime s’étonnant du brutal arrêt des versements, car même le PPC n’est pas versé. Et oui, les victimes, on finirait pas les oublier ! Mais encore faut-il que le service concerné ait le temps d’ouvrir son courrier…
Voilà notre situation quotidienne, et les nouvelles du front de sont pas encourageantes puisque les améliorations importantes ne viendraient pas avant 2015 ou plus, si tant est que ces modifications soient pertinentes.
A ce rythme, notre Genesis ira rejoindre au cimetière des projets inconnus et coûteux, le logiciel Louvois de la Défense qui vient d’être définitivement abandonné devant l’impossibilité de le modifier.
ÇA BALANCE…
Maintenant, mettons en balance votre veille, réactive pour Origine, et votre communication inexistante pour Genesis.
Certes vos cadres et les promoteurs du projet ont mis en avant, dans les différentes publications de l’AP, que si tout n’était pas encore parfait, les améliorations, à la marge, étaient en cours.
Devant le naufrage de ce projet tant sur les fonctions de base (greffe/compta) que sur la place des SPIP (on est revenu au temps des services sociaux-éducatifs !), nous ne vous avons ni lu, ni vu, ni entendu reconnaître qu’il s’agit d’un désastre et non d’un rodage ordinaire, qu’on aurait pu différer la mise en place pour éviter la souffrance des personnels et les griefs pour les personnes incarcérées.
Bref : vous n’êtes pas réactif quand il le faudrait.
Alors imaginez l’effet de votre courriel, un jeudi soir 31 juillet ?
Ah, une note d’optimisme quand même : posté par vos soins jeudi 31/07 à 20h29, l’adjoint au DFPIP l’a relayé le lendemain à 12h28, et les DPIP à 14h28 afin que les aoûtiens puissent partir en vacances en toute sérénité.
Vous pouvez donc être rassuré, vos cadres relaient votre communication en bons petits soldats, et c’est peut-être là l’essentiel ?
Nantes, le 16/09/2014
La section locale du SPIP 44
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