Ces derniers temps, suite à l’émotion légitime suscitée par des drames humains, la question des centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants contraints de quitter leur pays occupe le devant de la scène, tant politique que médiatique. Ceux que, pour des raisons tendancieuses, beaucoup ont rebaptisé migrants semblent faire l’objet de toutes les attentions.
Cependant, face à cet enjeu majeur, il convient de rétablir un peu de clarté.
Version imprimable du communiqué UGFF
Notons d’abord, pour le déplorer fortement, que l’horreur de ces déracinements forcés, dans des conditions indignes et insupportables, que ces cortèges de morts obscènes, durent depuis bien des années, depuis bien trop longtemps. Et, sauf pendant ces dernières semaines, un grand nombre de gouvernements, de responsables politiques, de médias ont été aux abonnés absents.
Pire même, en imposant – souvent par les moyens les plus scandaleux – leurs intérêts parfaitement contestables à des pays et à des peuples, les dirigeants des pays dits développés ont contribué à créer les situations calamiteuses que nous connaissons. Et que dire, par exemple pour la France, des mesures inadmissibles prises depuis des années pour durcir les conditions d’accueil des immigrés et faciliter leur expulsion ?
L’indispensable mais véritable solidarité impose qu’on n’exonère pas de leurs écrasantes responsabilités toutes celles et ceux qui, la main sur le cœur, nous disent combien il faut aider notre prochain.
Et ce, d’autant que, le plus souvent, leur fraternité est sélective : il y a les bons réfugiés, principalement ceux de Syrie fuyant les assassins sanguinaires de l’Etat Islamique et la dictature meurtrière de Bachar El Assad, et les autres, généralement présentés comme des gens cherchant à profiter de nos « modèles » sociaux et économiques.
Pour l’UGFF-CGT, cette distinction n’a pas lieu d’être. Elle est même honteuse.
Il n’y a pas les réfugiés légitimes et ceux qui ne le seraient pas. Croît-on vraiment que toutes ces femmes et tous ces hommes qui quittent leur pays, leurs attaches, qui risquent leur vie, le font simplement par recherche d’un meilleur confort ?
Séparer le bon grain de l’ivraie est au mieux un non-sens, au pire une monstrueuse hypocrisie. L’Europe et la France doivent accueillir largement sans opérer de sélection.
Pour la France, accueillir largement, cela ne peut se réduire aux 24 000 réfugies envisagés, chiffre beaucoup trop faible. Mais, accueillir largement, pour l’UGFF-CGT c’est aussi accueillir dignement.
Et, pour cela, les politiques publiques et les services publics ont un rôle irremplaçable. Cela passe évidemment par les moyens directs – ceux des services de l’Etat – et indirects – le soutien aux organismes et associations qui agissent pour l’accueil et les droits des immigrés. Or, les uns comme les autres, sont aux premières loges des politiques d’austérité actuellement menées.
De fait, que ce soit en matière d’effectifs, de crédits, de subventions, tous ces acteurs essentiels sont mis à mal dans l’exercice de leurs missions par les restrictions successives qui les frappent. L’UGFF-CGT réclame une rupture immédiate avec ces politiques régressives et dangereuses et l’octroi des moyens nécessaires à l’accomplissement de ces missions d’intérêt général.
La véritable solidarité, c’est également d’opérer un changement radical en matière de droit du travail et de droit de séjour. Accueillir dignement, c’est prendre les mesures qui s’imposent pour, demain, que celles et ceux qui viennent en France ne soient plus maintenus dans la précarité et la clandestinité ; c’est, aujourd’hui, régulariser les sans-papiers qui, par dizaines de milliers, vivent et travaillent sur notre territoire.
Enfin, au niveau international, il faut que la France œuvre réellement, dans le respect de l’indépendance des pays, à construire les solutions pérennes permettant aux populations de ne plus subir le joug des dictatures et l’atrocité des conflits meurtriers. Une telle action est antinomique de politiques qui, comme c’est le cas depuis trop longtemps, choisissent entre des régimes totalitaires infréquentables et d’autres avec lesquels on s’arrange sans vergogne. Elle s’oppose aussi à l’escalade dans les interventions militaires, spirale dangereuse et inefficace alors que c’est du côté de la paix et du désarmement qu’il faut résolument se ranger et agir.
Montreuil, le 14 septembre 2015