Madame la Ministre,
Pour ce qui concerne l’Administration Pénitentiaire, et plus précisément les Services Pénitentiaires d Insertion et de Probation, nous souhaitons vous interpeller quant aux légitimes attentes des terrains et de notre organisation.
Audience CGT insertion probation GDS 18 juillet 2017
La CGT Insertion Probation est l organisation majoritaire au sein des SPIP. Elle a pleinement joué son rôle dans la réforme statutaire qui a permis aux Conseillers Pénitentiaires d Insertion et de Probation d accéder à la catégorie A, réforme validée en CTM le 5 mai dernier, en étant force de proposition mais aussi de défense de l identité de la fonction de CPIP.
Cette identité professionnelle nous semble aujourd’hui perpétuellement remise en cause au gré des faits divers, des tragiques événements survenus ces deux dernières années, de l orientation des politiques pénales parfois incohérentes alors que menées par la même majorité ou encore au sein même de notre Administration.
Sachez madame la Ministre que c est une identité professionnelle affirmée et confortée par son Ministère de Tutelle qui permettra une meilleure connaissance et reconnaissance de nos spécificités.
Les personnels des SPIP ne peuvent être assimilés aux policiers ou agents de la DCRI, qui ont des compétences spécifiques et des qualités professionnelles propres.
Si les personnels des SPIP doivent œuvrer pour l’insertion voire la réinsertion des personnes condamnées en vue de prévenir la récidive, ils le font selon une appréciation clinique professionnelle qui nécessite une adaptation et une formation initiale et continue de qualité. L immersion de concepts anglo saxons doit être source de connaissances supplémentaires, au même titre que les autres concepts, mais non la base de notre pratique comme se rêve à le penser une partie de l’administration pénitentiaire.
Pas plus que le lien de confiance avec la population pénale confiée par mandat judiciaire ne doit être rompu.
L accompagnement socio éducatif et le travail autour du passage à l acte, tout en s’appuyant sur un réseau partenarial étoffé, permet de le conserver.
C’est ce lien de confiance qui est mis à mal par la mise en œuvre du renseignement pénitentiaire où il est demandé aux CPIP de faire office d’agent de renseignement.
Il est urgent de donner un cadre déontologique à nos interventions et de définir clairement auprès des autorités les compétences et les cadres d’intervention de chacun.
En revanche, les arrestations de personnes placées sous main de justice au sein même des Spip ou à proximité immédiate de ceux ci comme cela a déjà eu lieu à plusieurs reprises et de
façon non isolée, l immixtion de la question religieuse au sein des entretiens, stigmatisant principalement une religion, le manque de formation initiale ou continue permettant la prise en charge par tout agent de la diversité des mesures confiées aux SPIP sont autant d atteintes à notre identité et autant coups portés à notre Ministère.
Les discussions qui débutent ce jour devant le Sénat sur la pérennisation de l’état d’urgence et surtout de ses moyens inquiètent fortement les SPIP qui risquent de se voir confier des mesures administratives sans le contrôle du juge mandant et en dehors de toute infraction!
Il s’agit là clairement d’une atteinte à nos missions, nos valeurs professionnelles.
Le travail social est le socle de notre intervention, quant bien même il est spécifique et mené de façon experte.
Par ailleurs madame la Ministre, si des efforts ont été consentis ces dernières années sur les moyens humains dévolus aux SPIP , ils concernent principalement les recrutements de conseillers et directeurs pénitentiaires d insertion et de Probation, en omettant toutefois de considérer dans les chiffres annoncés de décompter le nombre de ces agents quittant la profession faute de reconnaissance indemnitaire, statutaire, et d absence de mise en avant de leurs compétences professionnelles avérées et de l accompagnement inexistant des agents pour leur permettre d avoir des perspectives d évolution en terme de carrière professionnelle.
C’est également sans compter l’accroissement exponentiel du nombre de personnes suivies.
Aujourd’hui ce sont plus 275 000 personnes qui sont placées sous main de Justice. Cette explosion du nombre de personnes suivies est en lien direct avec l’extension du filet pénal, le recours plus systématique à une peine d’emprisonnement, à la détention provisoire et au mandat de dépôt.
Nous espérons également qu’une circulaire d’orientation pénale viendra jouer tout son rôle dans le désengorgement des prisons et lutter contre les conditions indignes de détention pour les personnes détenues et les pour les personnels pénitentiaires.
Il ne s’agit pas là de moyens budgétaires à mettre en œuvre mais d’une réelle volonté politique ! Nous le savons tous, la construction de nouvelles places de prison n’est pas une mesure adaptée pour contrer la surpopulation pénale?
Depuis plus de 30 ans les gouvernements successifs ont imaginé que la création de places de prison était indispensable, il faut se rendre à l’évidence, plus on construit plus on incarcère. Il s’agit désormais de mettre en place une politique pénale volontariste et progressiste mettant l’accent sur les aménagements de peine ab initio, le recours aux mesures présentencielles… le placement sous surveillance électronique(juteux marché) ne peut plus être considéré comme la panacée!
Il serait temps en outre que l’administration pénitentiaire se dote d’organigrammes permettant d’apprécier les charges de travail et d’établir des ratios assurant une prise en charge adaptée et répondant à un service public pénitentiaire de qualité.
Cette revendication historique de la CGT semble également être une priorité du nouveau président, il ne reste plus qu’à mettre en œuvre les moyens nécessaires!
Le constat du manque d’attractivité vaut pour l ensemble des personnels exerçant en Spip.
Que dire de l absence d évolution professionnelle proposée aux agents PSE, de la précarité constatée des adjoints administratifs dont les traitements sont au niveau du SMIC, de la considération exprimée pour les assistantes de service social qui ont intégré le corps des CPIP en échange de promesses non tenues, de celles qui exercent actuellement et se retrouvent isolées au sein des services par un cloisonnement de leurs missions et par des fiches de poste décidées localement sans harmonisation. Que dire encore des psychologues recrutés de façon opaque quant à leurs missions, isolés au sein des services et qui n ont que peu de perspectives au sein de ce Ministère, cantonnés parfois à des contrats précaires.
Vous le voyez madame la Ministre, si vos agents au sein des SPIP se donnent sans compter pour leurs missions et leurs services, ils le font parfois sans reconnaissance et souvent sans moyens matériels adaptés.
Si les crédits de fonctionnement ont pu être améliorés sous couvert de la lutte anti terroriste, la répartition de ceux ci est bien souvent floue et inadaptée aux réels besoins des agents.
Comment conserver un lien avec les partenaires, effectuer un accompagnement global se traduisant notamment par des visites à domicile ou la pratique de permanences délocalisées pour permettre aux personnes démunies de moyen de transport adaptés de respecter les convocations du service alors que les services ne disposent que de peu de véhicules ou de locaux fonctionnels? Comment expliquer que les services de l administration Pénitentiaires doivent être des services de proximité pour permettre un accompagnement de qualité des personnes confiées alors que des antennes, identifiées de tous et prenant en charge des milliers de mesures, sont menacées de disparition? Comment encore expliquer le peu de budget de Placement extérieur, mesure efficiente en terme de prévention de la récidive? Comment expliquer le manque d engagement de l État pour le développement des structures partenariales, en détention par la proposition d’une réelle offre culturelle ou à l extérieur par le développement de structures d accueil et des TIG?
Vous le constatez madame la Ministre, les SPIP, qui sont seuls au sein de leur administration, à suivre l ensemble des personnes qui lui sont confiées, sont un rouage essentiel de prévention de la récidive et d insertion, il faut ainsi leur permettre d exercer pleinement leurs missions dans des conditions optimales.
Nous comptons sur votre détermination et votre écoute pour y parvenir.
Vous pouvez,vous, compter sur les nôtres.
Le bureau national CGT insertion probation