ALIP de BAPAUME :Récit d’un naufrage annoncé

 

Si nous prenons la plume aujourd’hui, c’est parce que nous sommes virtuellement 6 CPIP sur un potentiel de 10, mais dont une est en congés maternité jusqu’à la fin de l’année et une autre le sera incessamment.

C’est parce que nous avons la charge de 600 détenus dont 80% sont des auteurs d’infractions à caractère sexuel exécutant de lourdes peines.

C’est parce qu’aucun poste n’a été ouvert à la dernière CAP des titulaires, ni proposé aux sortants d’école alors même que nos difficultés existaient déjà et que leur aggravation était prévisible. En plus de cela, une collègue a obtenu sa mutation et la personne qui devait la remplacer ne prendra pas son poste suite à l’obtention d’un concours.

En septembre 2012, suite à un appel à l’aide des collègues du service qui se retrouvaient à trois sur un potentiel de 10 CPIP et avec une seule secrétaire suite au départ de nombreux collègues en mutation, seules 2 stagiaires préaffectées ont été nommées sur l’ALIP de Bapaume.

Après deux retours de congés maternité, le service s’est retrouvé, temporairement, à 5 CPIP titulaires et 2 préaffectés sur 10.L’une d’entre nous a muté à la CAP 2014, et a été remplacée par le jeu des tiroirs. La même année, trois postes ont été proposés aux sortants d’école, mais aucun n’a été pourvu. Nos difficultés existent donc depuis longtemps.

Nous travaillons dans un Centre de détention qui accueille des personnes détenues ayant des condamnations lourdes à caractère sexuel, souvent assorties de peines complémentaires de suivi socio-judiciaire. Ces condamnations nécessitent un travail approfondi sur les faits. Ce sont souvent des personnes isolées pour qui les démarches sociales pour la réinsertion sont chronophages. Nos partenaires locaux sont peu développés sur le plan social et ces démarches nous prennent beaucoup de temps. 

Les professionnelles que nous sommes sont particulièrement frustrées d’exercer leurs fonctions dans ces conditions. Nous sommes dans l’obligation de gérer l’urgence et ne pouvons pas travailler sur le fond. Nous sommes également très concernées par la nécessité de mettre en place des PPR. Mais cela n’est même pas envisageable dans ces conditions.

Comment faire des entretiens approfondis pour chaque détenu alors que nous avons un effectif qui avoisine les 120 personnes détenues et va bientôt les dépasser ? Faut-il omettre de faire des rapports pour les deux CAP mensuelles ? pour le débat contradictoire mensuel ? Pour le passage en Tribunal d’application des peines mensuel ? Pour signaler des personnes nécessitant l’octroi d’une mesure de sûreté ? Faut-il arrêter nos démarches sociales ? Faut-il ne plus participer aux commissions pluridisciplinaires ? Ne plus investir nos champs transversaux ? Ou ne plus recevoir les détenus en entretien ?

Nous sommes aujourd’hui une équipe soudée, ce qui nous permet de ne pas totalement flancher pour le moment. Mais nous ne voyons pas la situation évoluer et cela deviendra bientôt ingérable. Combien de temps allons-nous encore tenir à ce rythme ?

Alors Madame la DFSPIP du Pas de Calais, ne nous oubliez pas, nous, l’ALIP de Bapaume, au fin fond de votre département. Ce n’est pas parce que nous ne nous manifestons pas que tout va bien. C’est simplement que nous n’avons pas le temps de nous manifester.

Mais nous le prenons aujourd’hui car nous souhaitons que vous trouviez une solution rapidement.

Bapaume, le 9 septembre 2015

 

Tract Bapaume