Le 2 septembre 2014, la CGT était reçue par la direction de l’administration pénitentiaire (sous direction des personnes placées sous main de justice -PMJ- et mission aménagement de peines – MAPSE- ) sur deux notes de cadrage concernant la contrainte pénale et la libération sous contrainte avant le comité technique de l’administration pénitentiaire du 15 septembre.
La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales laisse un goût d’inachevé et nourrit de nombreuses frustrations quand nous aurions pu attendre un véritable bouleversement en termes de politique pénale.
Loin de constituer un changement de cap radical faisant de la prison l’exception, cette loi est restée au milieu du gué.
L’application au 1er octobre 2014 pour un certain nombre des dispositions de la loi et notamment la contrainte pénale ainsi que le niveau d’exigences contenu dans ces projets de textes vont incontestablement créer une pression supplémentaire sur les personnels déjà saturés. Tout se fait dans l’urgence laissant très peu de temps au dialogue social et encore moins à l’association des professionnels.
Comme d’habitude, l’administration met la charrue avant les boeufs. Les moyens humains et matériels et le nécessaire développement des politiques publiques à destination des publics pris en charge n’accompagnent pas la mise en oeuvre de la loi. Il y a là pour le moins un grave problème de « timing » !
La contrainte pénale : au cas où vous n’auriez pas compris que c’est de la « contrainte » !
La CGT dénonce la sempiternelle politique de vitrine et d’affichage adoptée par l’administration qui s’échine à vouloir rassurer les magistrats et l’opinion publique sur la crédibilité de la probation. « Prise en charge rapide, interactive et soutenue » : l’intention est louable mais totalement irréaliste au vu des effectifs actuels dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation. « Affectation systématique et nominative à deux CPIP », un air de déjà vu ? Malheureusement oui, ce sont les termes identiques utilisés par la DAP après Pornic et qui, on le sait, ont fait totalement exploser les services et étouffer les personnels sous des charges de travail délirantes ! Contraintes, toujours plus contraignantes : « Entretiens collectifs », « prise en charge dans un délai maximum de 8 jours » après la condamnation, « au moins 4 entretiens dans les 3 mois », stage de 2 jours sur le modèle des stages de citoyenneté pour « observer le comportement de la personne en groupe », une « commission pluridisciplinaire », « un rapport d’évaluation 3 mois après la condamnation »,… « des entretiens bimensuels ou mensuels »… Rythme soutenu, modélisation de la prise en charge, vision abstraite et principalement liée à la fréquence des rencontres et au fait d’allier le collectif et l’individuel. Tout standardiser, à coup de « nomenclatures » et d’injonctions faites aux professionnels, l’administration est loin d’avoir changé son fusil d’épaule sur ce terrain-là.
L’enfer est pavé de bonnes intentions !
Les recommandations européennes relatives à la probation sont mises en avant mais jamais celles qui engagent l’administration sur les charges de travail et la priorisation des tâches. La CGT martèle que sans ratio de prise en charge, soit un maximum de 50 personnes suivies par travailleur social, les professionnels ne pourront être dans les bonnes conditions pour assurer des suivis de qualité laissant le temps à l’accompagnement, aux visites à domicile, aux échanges avec les partenaires…
La DAP botte en touche en disant que cette question des ratios, des organigrammes sera traitée dans les référentiels élaborés sur la base des travaux des groupes métiers. Nous avons tellement l’habitude d’être baladés sur cette question, que nous n’y croirons que lorsque cela sera gravé dans le marbre. Il est d’ailleurs bien révélateur qu’aucune référence n’y soit fait ni dans la loi, ni dans les textes qui déclinent son application. Pourtant pour la CGT c’est la base d’un service public de qualité !
Derrière ce qui est prôné par l’administration :
« construire un cadre d’action nouveau, plus centré sur la personne que sur le seul respect des obligations », « développer une relation positive avec la personne suivie », prendre en compte les « besoins des personnes », un certain nombre de propositions sont de nature à nous inquiéter. Ainsi la CGT est très vigilante sur le niveau de « contrainte » qui sera astreint aux personnes suivies, que celui-ci ne soit pas démesuré au regard du respect des libertés individuelles.
La CGT alerte également sur le risque d’extension du contrôle social sur l’entourage familial. Il est indéniable que les proches jouent un rôle important dans un processus de réinsertion, le prendre en compte est un axe de travail souvent très intéressant à développer dans le cadre d’un accompagnement socio-éducatif mais il ne faut pas tout mélanger et les contraindre dans le même temps.
Par ailleurs, en voulant associer la société civile, l’administration pénitentiaire a sollicité ses partenaires habituels pour la mise en oeuvre de cette nouvelle peine. Attention à bien réfléchir au rôle de chacun. Rappelons-le, les associations n’ont pas vocation à se substituer au service public mais à travailler en partenariat avec les SPIP en fonction des besoins réels des publics. Nous sommes très vigilants quant à l’imprégnation du milieu ouvert par les logiques de la prison. Ceci peut en effet être sous-tendu par la mise en place de stages afin d’observer le comportement de la personne ou la sollicitation de partenaires du milieu fermé comme les visiteurs de prison.
Enfin, les questions de déontologie et de secret professionnel sont pour la CGT à remettre au coeur des débats. Pour seul exemple en attendant les discussions sur les décrets d’application du rôle des Comités locaux de prévention de la délinquance qui seront âpres, la place trop importante de la CPU (commission pluridisciplinaire unique) pour la mise en oeuvre de la libération sous contrainte (applicable au 1er janvier 2015), qu’envisage la DAP ne peut rester en l’état.
Tout comme la contrainte pénale, pour la libération sous contrainte l’administration met le paquet, avec l’inévitable risque de voir se propager des organisations de service par pôles et se développer un service public à deux vitesses.
La CGT porte une vision alternative sur les modalités de prise en charge et les lignes forces des revendications des personnels qu’elle représente sont les mêmes que celles que nous avons défendu dans le cadre des groupes métiers .
Assez de pression, retrouvons d’abord les fondamentaux : des moyens, un ratio et un service public qui répond aux besoins des publics !
La CGT sera combattive avec les personnels pour refuser ces dénis de réalités.
De telles injonctions ne pourront que mettre le feu aux poudres à de services déjà en surchauffe !
Montreuil, le 8 septembre 2014