A l’heure où le gouvernement s’enferre dans une politique de plus en plus sécuritaire et attentatoire aux libertés individuelles et collectives, les travailleurs sociaux sont percutés de plein fouet par ces mutations qui remettent en cause leur déontologie, le sens de leur travail et leur rôle dans la société.
L’UGFF-CGT est fortement mobilisée contre ces dérives et revendique une autre voie : celle de l’urgence démocratique et sociale.
Loi renseignement, plans de lutte anti terroriste, état d’urgence dont la prolongation et la constitutionnalisation sont en jeu actuellement, projet de réforme de la procédure pénale, déchéance de nationalité… Tout s’enchaîne depuis plusieurs mois à une vitesse effrayante, surfant sur l’effet de sidération qu’ont produit les attentats de 2015.
Version imprimable article Etat d’urgence et travail social
Difficile par conséquent de décrypter et de prendre conscience de ce que toutes ces mesures impliquent sur nos vies et nos missions de service public. Pourtant, il est urgent de dire STOP massivement à ce projet de société qui avance sur le dos des citoyens, usagers et aussi des professionnels qui sont en prise directe avec la population et, de surcroît, en dehors de tout débat serein et approfondi.
Dans le même temps, les politiques d’austérité continuent de faire rage : casse des services publics, réformes libérales dévastatrices en termes d’égalité entre les citoyens, asphyxie des moyens mobilisés en termes de politiques publiques, injustices sociales creusées, délitement du lien social et de la cohésion sociale…
Les politiques libérales et capitalistes font le lit des discours stigmatisants et des amalgames que nous dénonçons haut et fort d’autant plus qu’elles s’inscrivent dans un contexte de plus en plus sécuritaire et clivant.
Aujourd’hui, les travailleurs sociaux sont sommés de s’interroger sur leurs pratiques, se former en masse et au lance pierre sur le sujet de la radicalisation religieuse, à agiter la laïcité comme un instrument de répression de l’expression religieuse, d’alerter sur les risques éventuels de radicalisation religieuse des usagers qu’ils accompagnent.
Une fois de plus, les travailleurs sociaux se heurtent à la volonté de faire évoluer leurs missions et fonctions vers le répressif. Or l’accompagnement est avant tout un lien de confiance établi avec l’usager, même si certaines conduites à risques révélées ou évaluées nécessitent parfois un recours aux institutions judiciaires mais dans une logique de protection notamment des mineurs (adolescents).
De même, les travailleurs sociaux exerçant dans le cadre d’un mandat judiciaire alertent sur les dérives qu’ils constatent : logiques liées au renseignement sous prétexte de prévention de la radicalisation, climat de suspicion généralisée et de culpabilisation des professionnels…
Les travailleurs sociaux ne peuvent en aucun cas devenir des auxiliaires de répression de la
radicalisation et encore moins des auxiliaires de police. Le secret professionnel et la déontologie des travailleurs sociaux sont à rappeler avec force et leurs missions doivent être axées prioritairement sur la protection des publics accompagnés.
Ainsi l’Association Nationale des Assistants de Service Social dans un communiqué du 30 octobre 2015, appelle l’ensemble des travailleurs sociaux à être vigilants dans leurs communications téléphoniques et dans leurs échanges de courriels afin de garantir le respect de la vie privée des personnes accompagnées. La loi sur la surveillance met en place des dispositifs permettant de recueillir massivement et de manière non sélective des données téléphoniques et informatiques. Elle peut nettement porter atteinte à la relation d’aide.
Pour en rajouter, l’informatisation des services sociaux et autres services dans lesquels exercent des travailleurs sociaux comme notamment ceux de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et les Services Pénitentiaires d’Insertion et de Probation rend possible le contrôle social par simple transfert de données ou interconnexions de fichiers. Depuis de nombreuses années, le fichage des publics à des fins détournées est un enjeu fort qui recouvre aujourd’hui une grande acuité.
L’état d’urgence intensifie ces dérives en ce qu’il promeut un modèle répressif accompagné d’une forte propension à l’arbitraire. Perquisitions, assignations à résidence, fouilles de bagages et de véhicules et autres placements sous surveillance électronique mobile sont autant d’atteintes aux libertés individuelles qui s’exercent sans contrôle du juge judiciaire et donnent tout pouvoir aux autorités administratives relevant du Ministère de l’Intérieur. De plus, ces mesures sont loin d’être anodines et ont des répercussions néfastes sur la vie de ceux qui en font l’objet et de leur entourage, entraînant stigmatisation, exclusion, rupture d’insertion, bien loin du but initial de lutte contre le terrorisme.
Ces dérives sécuritaires ne peuvent que produire davantage de désaffiliations, mécanismes qui eux mêmes participent au phénomène complexe de la dérive sectaire. Phénomène complexe dont l’échec ne peut incomber aux travailleurs sociaux mais bien aux politiques publiques qui n’ont pas pris en compte les différentes alertes.
Il est urgent que la parole des travailleurs sociaux soit être prise en compte. Cette parole revendique des politiques socio-éducatives ambitieuses car travail social et l’éducation restent et demeurent les piliers majeurs à toute prévention.
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