Suite aux consultations des organisations syndicales la semaine dernière, l’administration pénitentiaire a soumis au CTAP du 15 septembre deux notes de cadrage sur la contrainte pénale (application au 1er octobre 2014) et sur la libération sous contrainte (application au 1er janvier 2015). La CGT avait dénoncé lors de l’audience bilatérale du 2 septembre la pression mise sur les professionnels déjà saturés et le problème de timing entre la mise en œuvre de la loi et la concrétisation des moyens annoncés.
La CGT a souligné que l’ensemble des personnels aimeraient avoir les moyens et le temps de travailler dans « un cadre d’action rénové davantage centré sur le personne que sur le seul respect des obligations » et a ainsi formulé un grand nombre d’observations afin que cette conception qui se veut respectueuse des règles européennes de la probation le soit pleinement et qu’elle rejoigne ainsi les aspirations des personnels que la CGT représente.
La CGT milite pour une probation humaniste : elle commence à pointer le bout de son nez …sur le papier
Les déceptions concernant la réforme pénale dans son manque d’ambition ont été largement exprimées par la CGT. Si le changement de paradigme tant attendu pour faire de la prison l’exception n’a pas eu lieu, un changement pour le moins sémantique est cependant à noter et fait écho à la vision humaniste portée par la CGT quant aux méthodes d’intervention. A travers la contrainte pénale et la vision qu’en donne la DAP, l’administration tente de retirer ses oripeaux après des années de politiques sécuritaires et déshumanisées et remet la personne suivie au centre en mettant en avant l’importance de l’accompagnement socio-éducatif, de l’association de la personne à son évaluation, de la prise en compte de ses besoins et de ses ressources ou encore de l’individualisation du suivi.
Dans sa contribution du 19 octobre 2012 à la conférence de consensus la CGT affirmait : « l’accompagnement socio-éducatif doit pouvoir se mettre en place dans un cadre permettant d’établir une relation positive, un lien où un cadre déontologique est garanti, le secret professionnel préservé, où la personne suivie sera respectée dans son intégrité et sa singularité et où l’empathie sera de mise. … l’analyse d’une situation ne pourra être pertinente que si elle est étayée et qu’elle associe la personne suivie. Cela suppose du temps pour prendre connaissance de tous les éléments fournis au SPIP… , pour recevoir la personne et prendre le temps de l’écouter… pour se mettre en relation avec les partenaires, pour rencontrer la personne dans son milieu de vie… Cette évaluation doit avoir comme objectif de mettre en place des axes de travail centrés sur l’accompagnement socio-éducatif et la réinsertion de la personne suivie et non sa neutralisation par principe de précaution. … L’analyse des situations individuelles doit permettre de répondre aux problématique et besoins identifiés. »
La CGT impose sa conception d’une probation humaniste tournée vers la personne, prenant en compte ses besoins et ses ressources, d’un suivi individualisé qui implique l’établissement d’une relation positive avec la personne. Nous nous en félicitons !
La CGT avait formulé lors de l’audience bilatérale un certain nombre d’observations qui ont été en partie prises en compte par l’administration.
Ainsi, là où il était mis en avant le suivi « soutenu » et « contraint » dans le projet de texte initial, la DAP a revu sa copie et a substitué à ces termes celui d’ « individualisé » et de « caractère suffisamment contenant et aidant ».
Là où la DAP ne laissait aucune marge de manoeuvre, la CGT a obtenu que des possibilités soient offertes sans obligation prenant en compte la réalité des services.
Les contraintes pénales ne seront pas affectées à deux conseillers mais cette option de binôme se fera, comme cela est déjà le cas dans les services, pour les situations qui le nécessiteraient. Un premier accueil collectif pourra se faire mais en fonction du nombre de personnes concernées et si les conditions matérielles le permettent.
Par ailleurs, la composition de la commission pluridisciplinaire qui dans le projet initial relevait d’une coquille vide a été précisée : il s’agit d’un cadre, du conseiller en charge du suivi, d’à minima un autre conseiller et un psychologue lorsqu’il y en a. Cette commission repose sur la nécessité de « croiser les regards, les approches et les analyses » et de « déterminer collégialement un plan de suivi adapté aux besoins et potentialités du justiciable ».
Le projet a été également modifié suite aux réactions de la CGT concernant la mise en relation avec les associations de victime qui paraissait prématuré au moment de l’évaluation : cette possibilité a été reportée à la phase de suivi.
Des points de vigilance demeurent pour la CGT
sur l’association des familles afin que le contrôle social ne s’étende pas à l’entourage, sur le rôle de l’associatif afin qu’il reste un partenaire et ne se substitue pas au service public tout en évitant de calquer des partenariats spécifiques au milieu fermé en milieu ouvert, sur le niveau de contrainte afin qu’il ne soit pas démesuré. L’idée de prises en charge collectives dans la phase d’évaluation est toujours présente mais en laissant le choix aux services de les mettre en place ou non et de façon moins modélisée que dans le projet initial. Les termes de « cadre contraint » ont également été retirés. Sur la fréquence des entretiens, l’administration a maintenu un rythme soutenu d’au moins quatre entretiens dans les trois premiers mois et le justifie de la façon suivante : « Par ce que la contrainte pénale est principalement destinée à des personnes nécessitant une prise en charge intensive, au moins quatre entretiens doivent avoir lieu ». Dans le cadre du suivi, il est également possible d’intensifier la fréquence des entretiens. Il est néanmoins rappelé et cela nous semble important que : « Les interventions des SPIP intègrent le principe d’une prise en charge très individualisée, proportionnée aux besoins de la personne, à la sanction et à la mesure prononcée ». Le contenu de la contrainte pénale proposé par l’administration reste une prise en charge idéalisée qui n’est pas en adéquation avec les réalités des terrains et les charges de travail, qui se met en oeuvre deux ans avant l’arrivée des personnels sur le terrain. De plus, tout comme en milieu fermé avec la libération sous contrainte, cela interroge grandement sur les organisations de service que cela peut induire (pôles quartier arrivant, pôles contrainte pénale, pôles évaluation…). Ainsi, il ne faudrait pas que la libération sous contrainte et la contrainte pénale soient les vitrines de l’administration pénitentiaire laissant à leur triste sort les personnes suivies dans le cadre d’autres mesures. La CGT sera très vigilante à tous les niveaux, dans les CT locaux notamment, sur les choix qui seront opérés.
Concernant plus spécifiquement la libération sous contrainte, celle-ci consiste en un examen systématique à deux tiers de peine et pour laquelle 4100 personnes seraient éligibles par mois sur l’ensemble du territoire. Cette nouvelle procédure remplacera la SEFIP et la PSAP qui seront abrogées dans le même temps. Elle va inévitablement engendrer des charges de travail très importantes pour tous les personnels (détention, greffe, SPIP…) qui plus est avec des outils informatiques peu fiabilisés. La mise en place de la libération sous contrainte risque d’intensifier la schizophrénie du système actuel. Au lieu d’une véritable libération conditionnelle d’office inscrite dans le parcours et d’une prison organisée pour permettre une véritable préparation à la sortie dans les meilleures conditions, une énième procédure est mise en place.
D’un organigramme promouvant symboliquement les SPIP à la DAP à de véritables organigrammes dans les SPIP…
Pour toutes ces raisons, la CGT, et elle seule, a exigé de l’administration l’établissement d’organigrammes pour les SPIP et la reconnaissance des besoins réels des services. La situation est très complexe en termes d’effectifs et de moyens et la DAP a accepté d’inscrire ce besoin dans les projets de texte en rappelant le renforcement des services à hauteur de 25%, celui de la formation continue et d’une réflexion pour « consolider et améliorer les pratiques professionnelles » et assure, sans l’écrire noir sur blanc, que les agents ne seront pas attendus au tournant. La DAP n’a pas ajouté la question des organigrammes dans les notes de cadrage mais a tout de même proposé d’annoncer l’élaboration d’organigrammes dans le même temps que la nomination d’un directeur de projet sur tous les thèmes relevant des SPIP à compter du 1er octobre 2014. L’actuel chef du bureau PMJ1 fera donc partie de l’équipe de direction de la DAP : une sous-direction de la probation déguisée en quelques sortes. Il sera en charge de tous les sujets concernant les SPIP et les organigrammes en feront partie. Nous attendons de voir comment la DAP formule cet engagement dans sa communication aux personnels.
Compte tenu de tous ces éléments, la CGT s’est abstenue sur le vote de ces deux notes de cadrage. FO a voté contre. Quant à l’UFAP, qui s’est abstenue sur le vote, cette organisation aurait mieux fait de s’abstenir tout court démontrant une fois de plus sa méconnaissance des SPIP.
La CGT reste combative contre les politiques d’austérité et pour une autre politique pénale
La CGT rappelle qu’en matière de politique pénale, il est urgent de donner les moyens aux politiques publiques dans tous les domaines de l’insertion et de la santé et à la prévention tout court ! Il est également urgent d’engager d’autres chantiers législatifs pour dépénaliser des comportements qui ne méritent pas un « traitement pénitentiaire », pour mettre fin à la comparution immédiate, machine à enfermer, pour limiter la détention provisoire… afin d’agir en amont et non une fois que les personnes sont condamnées à de la prison ferme, voire incarcérées.
La CGT porte une vision humaniste et progressiste. Faisons que nos services sortent de cette ornière sécuritaire et qu’ils puissent assurer un service public de qualité : ratio, organigrammes, formation. Nous ne lâchons rien !
Montreuil, le 23 septembre 2014
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