Tout d’abord, nous saluons l’hommage national rendu à notre collègue récemment décédé en service et exprimons toutes nos pensées à ses proches et à ses collègues.
Monsieur le garde des Sceaux,
Quel honneur de vous voir assister à cette instance ! Cela nous donne l’occasion de vous interpeller sur plusieurs sujets.
Au sein de ce gouvernement, vous vous êtes fait le « héraut » du combat contre l’extrême-droite. Nous aimerions néanmoins que ce combat ne s’adresse pas uniquement à ses représentants mais aussi et surtout aux idées d’extrême-droite ainsi qu’à ses symboles. À ce propos, dans la galerie des portraits des gardes des Sceaux de l’hôtel de Bourvallais on trouve toujours le portrait de Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, ainsi que ceux de quatre anciens gardes des Sceaux ayant voté les pleins pouvoirs à Pétain le 10 juillet 1940. Comptez-vous prendre les mêmes mesures que celles mises en œuvre par votre collègue des affaires étrangères en 2018?
Concernant l’objet du CSA de ce jour, et notamment les « perspectives RH ministérielles », nous dénonçons depuis de nombreuses années le tassement des grilles indiciaires ainsi que la perte de pouvoir d’achat continue des fonctionnaires qui s’est accélérée depuis les dernières années conduisant à une « smicardisation » des agents de catégorie C, qui touche désormais la catégorie B. En l’espace de 10 ans, le SMIC a augmenté de 50 points d’indice. Pas la grille des agents de catégorie C… Si des mesurettes ont été mises en œuvre pour des corps spécifiques, les corps communs restent les grands oubliés. Et nous ne saurions nous satisfaire de mesures touchant à l’indemnitaire. Les mesures doivent toucher l’indiciaire et par là même nos futures retraites !
Si l’augmentation des effectifs est essentielle, nous vous rejoignons sur le constat qu’elles ne suffiront pas à rattraper 30 ans d’abandon du service public de la Justice. La situation actuelle est telle que la vacance de postes ne sera pas résorbée en 2024. Et même lorsqu’elle le sera, lorsque les effectifs promis d’ici 2027 seront tous en poste, la Justice ne sera pas réparée. L’état de délabrement avancé de notre institution nécessite des moyens encore bien supérieurs. A cet égard, quelle issue politique comptez-vous donner aux référentiels de la charge de travail des magistrats, qui objectivent un besoin de doublement des effectifs dans quasiment tous les services ?
Nous réaffirmons également que ces moyens supplémentaires n’ont pas vocation à ouvrir la voie à une exigence encore plus grande de productivité des agents, mais doivent leur permettre de rendre une justice de qualité, préservant le temps d’audience, la collégialité et la motivation des décisions. L’objectif de réduire les délais par deux, s’il est parfaitement louable, demandera davantage de temps que celui que vous avez fixé. Le temps de la réparation ne coïncidera pas avec l’agenda politique court-termiste que le président de la République a esquissé lors de son discours devant la nouvelle promotion d’auditeurs de justice – et ce sera votre rôle de l’assumer
Au sein de l’Administration Pénitentiaire, en établissements comme en SPIP, les personnels de chaque corps manquent cruellement. Et pour elles et eux, aucune perspective d’amélioration à attendre puisque les seules créations de poste sont des postes de personnels de surveillance dédiés à l’ouverture de nouveaux établissements. Pour les manques dans les établissements existants comme dans les SPIP, aucune création alors même que les organigrammes de référence des uns et des autres ne font qu’objectiver les manques criants de fonctionnaires…ce ne sont pas les rustines destructrices du statut du fonctionnaire ou du service public, comme le recours à des apprentis ou services civiques pour pallier les carences en PA ou les contractuel.les pour pallier les carences des autres corps qui nous rassureront et qui permettront à vos personnels de se sentir valorisés. Pour un service public de la justice fort, celui ci doit avant tout reposer sur des moyens humains et matériels à hauteur des enjeux qui sont les nôtres.
Quant aux négociations au sein du ministère de la justice, si elles ont le mérite d’exister et touchent à des sujets incontournables, elles sont organisées d’une manière telle qu’elles rendent quasiment impossible la production d’un travail de qualité. Nous avons pour ambition de faire avancer l’égalité professionnelle et les conditions de travail de manière durable au terme d’une réflexion menée en profondeur, et non d’être le faire-valoir d’un Gouvernement qui se contente de cocher la case « consultation des organisations syndicales » pour pouvoir afficher publiquement l’accomplissement de ses objectifs. L’étude ANACT lancée pour « esquiver » un réel audit mené au sein de l’ensemble des services de la Justice sur les conditions de travail et les risques psycho sociaux rencontrées par les agent.es en est une parfaite illustration puisque cela semble se résumer finalement à une formation des agent.es sur la prévention des RPS…tout ça pour ça. Les drames humains n’auront donc malheureusement pas poussé le Ministère à prendre conscience ou de mesures visant à en éviter d’autres à l’avenir. Observez, identifiez mais souffrez en silence…
S’agissant des jeux olympiques et paralympiques, qu’est devenu le plan détaillé d’un « projet de circulaire sur le plan de maintien d’activité du ministère de la Justice pendant la période des jeux olympiques et paralympiques », qui nous a été présenté le 15 novembre ?
Pourquoi les JO, contrairement à la coupe du monde de rugby ou l’euro de football en leur temps, sont d’ailleurs aujourd’hui considérés comme la prochaine apocalypse par ce gouvernement et l’ensemble des responsables hiérarchiques au sein du Ministère ? Depuis quand cet événement est- il devenu l’angoisse ultime des dirigeants de ce pays ? Quel est donc le passif observé à Tokyo ou Rio qui laisse augurer d’un si grand fiasco si ce n’est l’incompétence de nos gouvernants à accueillir des événements sportifs planétaires ? Ce n’est en tout cas pas le prix des places ou des nuitées sur Paris ou dans les lieux où se dérouleront les épreuves qui peuvent favoriser la venue de délinquant.es assoiffé.es de sang du monde entier puisqu’à vous écouter, c’est presque cela qui est craint. Ce ne sont pas davantage les étudiants et les plus précaires expulsés manu militari de Paris pour faire place nette qui devraient poser problème… A moins que le gouvernement et l’Administration ne redoutent finalement davantage, à l’occasion de ces JO, un mouvement populaire en réaction à l’oppression et au recul des droits comme des libertés dont nous sommes toujours plus victimes? Si c’est cela, nous ne saurions accepter que les mesures disproportionnées qui semblent se dessiner ne visent à contenir de manière brutale et arbitraire cette contestation plus que légitime.
Côté greffe, en l’absence de consignes, en service déconcentrés, c’est la bidouille pour le pire ! Au niveau de l’administration centrale, des consignes sont données en « off » aux agents avec l’annonce de « confinements » JO et l’obligation de rester à domicile en télétravail.
A l’inverse, dans les services déconcentrés, des menaces pèsent sur des agents auxquels il a été indiqué qu’ils pourraient être rappelés pendant leurs congés et feraient l’objet de sanctions disciplinaires s’ils n’étaient pas présents dans un délai de 24 heures. Si les tribunaux concernés par les JO prévoient la mobilisation des magistrats dans le cadre des audiences et des permanences, seul le tribunal de Bordeaux évoque les greffiers ! Comment nos collègues doivent-ils l’interpréter ?
Alors que les juridictions se mettent en ordre de bataille, sacrifient des audiences civiles, multiplient les audiences de comparution immédiate pourvoyeuses d’emprisonnement pour répondre à une augmentation de l’activité pénale prédite – mais ne reposant sur aucun élément objectif – l’impréparation semble totale à bien des égards. Les plans d’organisation transmis par les juridictions, à de rares exceptions près, ne font pas état des mesures prises pour assurer la présence d’interprètes et d’escortes en nombre suffisant et pour assurer une digne prise en charge des victimes. Aucune réponse n’est à ce jour apportée aux agents quant à la possibilité de réaliser leurs trajets domicile-travail lorsqu’ils traversent une zone rouge ou en cas d’audiences tardives. La prise en charge des surcoûts de transports et de garde d’enfants n’est pour l’heure pas assurée.
Au sein de la DAP, la surpopulation pénale ne semble plus être un problème et des établissements et des DISP considèrent ainsi qu’en raison des JO, il peut être atteint des seuils encore jamais vus, entraînant des conditions de vie indignes pour les personnes détenues et des conditions de travail toujours plus dégradées pour les personnels. Ces mêmes personnels qui sont déjà prévenus que les congés pourront leur être refusés quand bien même ils sont affectés sur des lieux où ne se déroulent d’ailleurs aucune épreuve… Incroyable !!!
Un cadre national avec des consignes s’impose donc. Ce sera l’occasion de rappeler aux différents échelons les garanties minimales du temps de travail fixées par le décret 2000-815 auxquelles il ne peut être dérogé que dans deux conditions qui incluent les représentants du personnel. Le respect des conditions de travail vaut aussi au ministère de la Justice et ce, quelles que soient les circonstances !
Vos représentants CGT et SM