Un Comité technique SPIP (CT-SPIP) prévu sur 2 journées avec un ordre du jour très mince, mais qui comprenait le Référentiel des Pratiques Opérationnelles 1 (RPO), pouvait laisser penser que les débats étaient – de nouveau – ouverts, et que l’administration acceptait de (re)travailler le document en séance.
Version imprimable CTR CT SPIP 27 septembre VD
Certes, nous avions une version finale très très (très) proche de la version initiale sortie de la direction de projet chargée des SPIP, puisqu’au dernier moment par un amendement du SNEPAP, adopté en toute opacité, toute la partie sur les méthodologies d’intervention socio-éducatives a été supprimée ! Mais nous avions encore une inconnue : le positionnement du tout nouveau directeur de l’administration pénitentiaire, Stéphane Bredin, qui présidait là son premier CT-SPIP non plus comme l’intérimaire qu’il a été durant quelques mois. La CGT attendait donc de voir – et elle a vu…
Après lectures des déclarations liminaires des organisations syndicales, le DAP, contre toute attente et toute pratique qui veut qu’un rapporteur de l’administration présente le texte avant de faire place aux débats, a souhaité poser le cadre et « rappeler la genèse de ce référentiel ». Sur quoi il nous a lu un texte (écrit par qui ?) pendant 45 minutes. 45 longues minutes de « vaste consultation des terrains… bla bla bla… travail participatif… état des lieux des pratiques des SPIP… groupes de travail REP en SPIP et en DISP… bla bla bla… suites de la Conférence de Consensus… méthodes éprouvées scientifiquement… données probantes issues de la recherche… bla bla… socle théorique attendu et réclamé par les terrains… bla bla… délinquance et criminalité qui évoluent et nécessitent une réadaptation des pratiques professionnelles… en ces temps de radicalisation violente… nécessaire professionnalisation des services… renseignement pénitentiaire… bla bla… recherche PREVA très concluante… stages de sensibilisation aux nouvelles pratiques très bien reçus et résultats de l’enquête très satisfaisants… ». Bref : le discours mots pour mots de la direction de projet SPIP depuis 3 ans, mais pas que (cf. notre déclaration liminaire).
Nous rappellerons en temps utile la position de la CGT sur ce RPO (cf. nos différents communiqués), car, évidemment, nous n’avons pas pu le faire en séance. Le DAP fermait le « débat » : c’est comme ça, circulez, y a rien à voir ! Nous avons donc fait remarquer que son discours était celui qui nous a été tenu il y a 2 ans 1/2, le même que nous avons souhaité amender, dont nous voulions reconnaître aussi les points positifs, mais qu’il fallait surtout pondérer tant TOUT était discutable – voire franchement de mauvaise foi. On (re)dira simplement ici que la CGT n’a jamais été opposée à un tel manuel, que la CGT n’a même jamais été opposée à toute la criminologie anglo-saxonne qui y est présente ; elle a en revanche toujours revendiqué que ces principes s’ajoutent à ceux déjà existants, que les professionnels y soit formés sérieusement ainsi qu’à leurs limites. La CGT a toujours regardé favorablement tout enrichissement des pratiques, mais a toujours aussi dénoncé le repli de la profession sur un modèle exclusif, un modèle qui vient remplacer tous les autres, tous les savoirs et toutes les pratiques à l’œuvre dans les services. Nous ne voulions pas non plus devenir des psycho-criminologues, et il était important pour nous de réaffirmer notre intervention comme étant dans le champ du socio-éducatif. Une position nuancée et loin des postures caricaturales…
Or le monologue du DAP disait ceci : absolument rien n’a bougé du côté de l’administration en 2 ans et demi ; le discours est strictement le même qu’en mars 2015, lorsque nous l’avons entendu pour la 1re fois ; les dizaines de réunions, les groupes de travail, les amendements et contributions des uns et des autres – mais surtout de la CGT – n’ont rigoureusement servi à rien. Et surtout vous la CGT qui nous avez bien gonflés avec votre carcan idéologique et votre opposition systématique ! Car ce CT n’a pas eu pour nous qu’un problème de fond ; nous avons dû essuyer les marques de mépris incessantes d’un DAP dans l’ultra-caricature de nous-mêmes, avec des propos bien dans l’air du temps du macronisme triomphant, qui postulent l’illégitimité des représentants des personnels. Sachez-le, pour le DAP au CT-SPIP tout au moins, nous ne représentons que nous-mêmes, et certainement pas les personnels qui pour leur part réclament à corps et à cris ce manuel qui, sans notre présence, serait déjà sorti depuis de longs mois pour le bien de toute la profession. Le DAP est allé jusqu’à prendre exemple sur une audience syndicale locale, au cours de laquelle une représentante de la CGT « qui avait le RPO sur son bureau », disait attendre impatiemment sa sortie officielle. Or cette camarade ne lui a pas dit autre chose que ce que nous portons – et ce que nous portons, ce tout nouveau DAP ne le saura jamais. Mais nous y voyons là plutôt la patte de l’homme qui lui souffle aujourd’hui à l’oreille : le directeur de la DP-SPIP, esprit peu subtil, qui n’aura jamais entendu – ou voulu entendre – ce que la CGT lui disait. Véritablement la mauvaise personne au mauvais endroit, il aura passé sa vie de directeur à rédiger des centaines de pages de RPO inappliqués, ou, nous le verrons, inapplicables…
Deux jours de prévus, en lieu et place de quoi nous avons eu deux heures de pseudo- discussions : il était donc temps de passer aux votes. Et là, surprise ! Etait présent pour l’UFAP son Secrétaire Général, que l’administration a présenté en début de séance comme expert, alors même qu’il n’avait pas été désigné et qu’aucune information préalable n’avait été envoyée aux membres du CT – comme le veulent les textes. Après avoir parlé 10 minutes de tout sauf du RPO, l’expert de l’UFAP impose à son titulaire… de s’abstenir ! Un vote tellement incompréhensible – rappelons que l’UFAP avait voté CONTRE le Manuel de mise en œuvre de la Contrainte Pénale – qu’il est pour nous évidemment acheté. Ou quand au CT-SPIP s’invitent les bonnes vieilles pratiques syndicales pénitentiaires qui fleurent bon le deal d’arrière-couloir… Mais gageons que ce deal entre le secrétaire général de l’UFAP et le DAP est évidemment pour un intérêt touchant aux SPIP ! Il fallait sauver le soldat RPO, et ne pas avoir le vote funeste qui se dessinait : les 2 seuls votes POUR du SNEPAP, et les 6 autres votes CONTRE. Après la tentative malheureuse et vaine du directeur de la DP-SPIP, au mois de juin, de rallier une autre organisation syndicale à un vote favorable, le DAP s’en était donc chargé ; les votes n’avaient plus la même portée de (petite) catastrophe : 2 POUR (SNEPAP) – 5 CONTRE (CGT et CFDT) – 1 ABSTENTION (UFAP, donc).
Un vote bidon, des discussions bidons pour un CT bidon : voilà l’aboutissement de 2 ans 1/2 de « travaux » sur un RPO qui va profondément dénaturer et transformer le métier de CPIP…quel gâchis !
D’autres points étaient ensuite appelés à l’ordre du jour.
L’administration présentait deux projets de décret et arrêté modifiant l’article D.600 du CPP relatif à Saint Pierre et Miquelon.
Il s’agissait là de régler juridiquement la situation d’un collègue de St-Pierre-et-Miquelon, seul CPIP pour quelques détenus et une quarantaine de mesures de MO. Ce sont ces dernières qui posent problème, le magistrat du ressort ne pouvant saisir le CPIP faute d’entité administrative. Du règlementaire qui peut paraître anodin, mais qui a soulevé une question de fond de la part de la CGT.
En effet, il est prévu par ces textes que le CPIP soit placé sous l’autorité directe du Directeur interrégional de la MOM – il est aujourd’hui sous l’autorité du chef d’établissement. Nous avons bien compris le caractère pragmatique de cette architecture et l’efficacité recherchée ; cependant, un passage du texte réécrit indique que « les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par le conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation et par le directeur interrégional de la mission des services pénitentiaires de l’outre-mer ». Or ce qui fonde le secret dans les SPIP, c’est l’art. D.581, qui l’attribue « aux membres du service pénitentiaire d’insertion et de probation », et qui fait que l’article D.580 note que « les documents couverts par le secret professionnel ne peuvent être consultés que par un membre du service pénitentiaire d’insertion et de probation. » Les textes présentés ne rattachant pas le CPIP de Saint Pierre et Miquelon à un SPIP, il n’a donc pas le secret professionnel – ce qui crée une rupture d’égalité de traitement avec les autres justiciables pris en charge dans les SPIP. Dans ce cadre, il est donc vain de parler là de « secret professionnel », puisqu’il n’existe pas. Quand bien même il existerait pour le collègue CPIP, c’est le DI de la MOM, qui, lui, n’y est pas astreint – et qui ne peut donc avoir accès au dossier… Bref, on tord juridiquement quelque chose d’important, et qui pourrait créer un précédent – ou tout simplement être illégal. Il suffit de rattacher le CPIP à un SPIP, et l’affaire est réglée ; c’est simple, même si par ailleurs ça induit une réalité de terrain peu pratique, mais puisque c’est la CGT qui le dit… le DAP n’en a cure. Il avance alors des arguties juridiques qui nous paraissent acrobatiques, mais là encore la discussion est close. Dont acte, la CGT se réservant le droit de faire un recours sur ce texte auprès du Conseil d’État.
Enfin, était examiné le Manuel de libération sous contrainte.
Rappelons-le : la loi du 15 août 2014 prévoyait une évaluation en 2017 des nouveaux dispositifs de Contrainte Pénale et de Libération sous Contrainte. Face à l’échec évident de ces deux dispositifs et au temps de travail effarant qu’ils ont représentés pour les collègues, il semble que l’Administration ait décidé de se passer d’un bilan. Ça ne marche pas ? Alors insistons !
La CGT a rappelé que la Libération sous Contrainte est un échec chronophage et que ce manuel ne permettra en rien un plus grand nombre de prononcés de cette mesure. Tout simplement car les juges n’en veulent pas. Dans ce manuel, comme nous en avons l’habitude désormais, la DAP nous refait le coup du cheval de Troie. Après une partie assez technique, le RBR est détaillé comme gage de la qualité du travail des SPIP, sur un quart du document qui est censé concerner tous les professionnels en lien avec la LSC. Pourquoi cela, alors qu’était vu le même jour le RPO qui impose cette théorie pour tous les types de prise en charge et tous les suivis SPIP ? Et en « oubliant » la petite phrase du RPO selon laquelle tout cela ne s’applique qu’à condition d’avoir les moyens de le faire…
Donc application sur les terrains quoi qu’il arrive, quelles que soient les charges !
Résultat : un manuel qu’on ne pourra pas appliquer. Faute de temps, faute de moyens. Faute d’un dimensionnement raisonnable des dispositifs imposés aux équipes.
Sur le vote, pas de surprise, le SNEPAP vote pour, déroulant son projet politique ; l’UFAP s’abstient, continuant de vendre la profession – en échange de quoi ? La CGT vote contre car on ne peut plus accepter des textes qui imposent aux collègues une méthodologie aux contraintes alourdissant les charges de travail pour un résultat qui restera négatif. Si la LSC ne fonctionne pas, les raisons sont certainement à chercher ailleurs que le présumé amateurisme des SPIP. Sommes-nous les seuls à constater que la coupe est pleine ?
Décidément le dialogue social est un vain mot au sein de l’administration pénitentiaire ! Nous n’avions pas encore vécu de CT-SPIP aussi vide de sens et d’intérêt. Le nouveau DAP, lui, ose. Oserons-nous y retourner ? La CGT se réserve aujourd’hui le droit de ne plus siéger dans de telles conditions !
La CGT restera combative pour la défense des intérêts des personnels, de leur identité professionnelle ainsi que du sens de nos métiers !
Place maintenant à l’évaluation du risque, que viendra sous peu structurer un outil prédictif d’évaluation – a priori le LS/CMI, un DAVC puissance 10 sous copyright et payant… A vos marques ? Prêts ? Partez !
Montreuil, le 29 septembre 2017