La CGT insertion probation était conviée ce matin à la présentation par le garde des sceaux du plan de lutte contre la radicalisation violente. Présentation faite par le ministre fort dense en annonces et au pas de course puisque les journalistes attendaient déjà le Ministre la porte à côté… OU comment envisager le dialogue social par des effets d’annonces sans prendre le temps de la concertation ! Mais il faut comme toujours bien évidement répondre à la commande politique qui impose de faire quelque chose à tout prix… La CGT le dénonce déjà depuis 18 mois mais l’exécutif continue de foncer !
La CGT insertion probation, tout comme les deux autres organisations représentatives des personnels des SPIP, a souligné cette dégradation du dialogue social notamment quant il s’agit de radicalisation et de lutte contre le terrorisme. Ainsi par une lettre ouverte unitaire, nous avons rappelé de vive voix au ministre ses engagements pris il y a à peine 3 mois devant les personnels des SPIP et dénoncé la lenteur actuelle dans la mise en œuvre du protocole statutaire. L’urgence et l’actualité des personnels résident bel et bien dans la concrétisation des engagement pris !
S’agissant des annonces sur le plan de lutte contre la radicalisation, le ministère s’inscrit résolument dans des propositions sécuritaires ne visant qu’à la commande politique du tout renseignement, de la collecte généralisée d’information, de la gestion autoritaire des détentions et de la spécialisation des SPIP, notamment des « CPIP terrorisme » en les transformant en agent du renseignement !
Ainsi sont annoncées concernant la sécurisation de multiples mesures visant à transformer les établissement pénitentiaires en bunkers coupés du monde tout en évitant de les humaniser, portant ainsi continuellement atteinte à la dignité des personnes détenues !
-la création d’une sous direction de la sécurité pénitentiaire rassemblant la DPPLAT, la création d’un bureau central du renseignement pénitentiaire, les ERIS, la création d’une cellule de veille et d’analyse, un bureau innovations technologiques, la création des équipes de sécurité pénitentiaires
-la création des équipes de sécurités pénitentiaires qui seront armées et qui auront un pouvoir d’investigation, de fouille et de palpation élargi. Ces équipes sont chargés d’assurer la sécurité sur le domaine pénitentiaire et lors de l’ensemble des extractions.
-58 millions d’euros pour la sécurisation des sites pénitentiaires dont notamment 21,7 M€ seront consacrés aux achats de matériels de sécurité (armes, munitions, gilets pare-balles, radiocommunication, etc.) , 14,7 M€ pour les équipements de neutralisation des communications illicites, 5,3 M pour la vidéoprotection des établissements, 1M€ pour l’installation d’un système de lecture automatique des plaques d’immatriculation pour les parkings des personnels au sein des établissements prioritaires…
– envisager d’autoriser les patrouilles Sentinelle de l’armée à pénétrer sur les domaines pénitentiaires, notamment aux heures de prise de service des personnels
-l’acquisition d’IMSI catchers pour détecter l’utilisation illicite de téléphones en détention et réaliser une fouille afin de saisir le terminal
– la création du bureau central du renseignement pénitentiaire qui intégrera la future sous direction de la sécurité qui se verra renforcée de 50 recrutements supplémentaires pour qui un ratio de suivi sera préconisé !
–la décision de la fermeture des unités dédiées et le remplacement par 6 quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER) de 120 places pour une durée de 4 mois à Fresnes, 2 à Fleury, Osny et 1 sur la DI de Bordeaux et 1 sur la DI de Marseille. Comment supprimer un expérimentation contestée tout en la remplaçant par un dispositif similaire !
– création de 100 places pour la prise en charge des femmes radicalisées et création de 290 places pour les détenus évalués les plus dangereux dont 100 places seront situées en maison centrale pour des détenus relevant en principe de la maison d’arrêt (prévenus) avec un régime de détention particulièrement strict (fouilles régulières, changements de cellule, limitation des effets personnels… bref tout ce qui pourrait être jugé et condamné par la CEDH donc ! ). D’ailleurs le ministre ne s’en cache pas et assume la tension générée par ce type de restrictions de droits, comme si finalement l’augmentation de la tension et de la violence était la seule réponse à la violence des actes commis ! Au contraire pour la CGT c’est l’apaisement qui permet d’avoir des conditions de détention dignes et des bonnes conditions de travail pour les personnels !
Mais le ministre nous assure qu’au-delà de l’évaluation et de la sécurisation, l’objectif de ce plan est bel et bien la prise en charge des personnes signalées comme radicalisées.
Ah bon ? Comment ?
« En renforçant le recrutement de 40 nouveaux binômes de soutien (éducateur et psychologue) chargés de travailler sur une grille de détection rénovée utile et nécessaire à l’ensemble des personnels pour la remontée d’informations et l’analyse de situations individuelles de radicalisation violente » : mais de quoi parle t-on parle de détection ou de prise en charge ? La CGT s’est montrée particulièrement circonspecte sur la place de ces binômes dans les SPIP, personnels ayant un rattachement parfois en DI parfois en SPIP et ayant un statut précaire : leur déploiement est tout aussi inquiétant !
« En créant des structures de prise en charge en milieu ouvert des personnes radicalisées placées sous main de justice. Le premier dispositif sera opérationnel d’ici la fin de l’année avec l’ouverture des locaux et l’accueil des premières personnes suivies au sein du projet intitulé RIVE » Guère plus d’éléments sur ce sujet mais il est fort probable qu’il s’agisse du projet que la DPLAT a présenté hier concernant l’APCARS, association de prise en charge pré-sententielle qui vient de remporter le marché juteux d’1 million d’euros pour organiser au pas de course un programme de désengagement de la violence.
« En favorisant l’acquisition de compétences, en faisant réfléchir les participants sur leur orientation professionnelle, en effectuant un bilan social, en les orientant, en leur apportant une aide active aux démarches administratives et de réinsertion professionnelle »… Autant d’actes professionnels réalisés quotidiennement par les travailleurs sociaux qui assurent la mission essentielle de réinsertion du public pris en charge ! Autant d’actes professionnels réalisés quotidiennement pour l’ensemble des personnes prises en charge ! Autant d’actes professionnel trop souvent délaissés par manque de moyens et charges de travail délirantes !
« En s’appuyant sur le travail des CPIP qui, par leur implication et leur expertise, devrait permettre la construction d’un réseau destiné à assurer le suivi méticuleux de toutes les personnes sous main de justice signalées comme radicalisées ». Pour la CGT insertion probation c’est très clair : il s’agit de s’appuyer sur les SPIP et leurs personnels qui ont une véritable relation de confiance avec les personnes suivies pour permettre la collecte et la récupération d’informations à des fins de renseignement pour des services extérieurs !
Bien pire, le Ministre entérine et instaure la spécialisation des CPIP. En effet, ce plan prévoit la désignation dans chaque SPIP d’un CPIP « référent de la prévention de la radicalisation violente » chargé d’assurer en priorité le suivi des individus correspondant à ce profil et qui aura une décharge de travail de 50%. Pour compenser ces décharges, dans sa grandeur d’âme, le Ministre annonce le recrutement de 90 CPIP… contractuels ! Faut-il rappeler au Ministre que la CGT ainsi que l’ensemble des organisation syndicales du CT SPIP ont martelé et réaffirmé leur totale opposition à la spécialisation des CPIP ? Mais le ministre avance et ne se retourne pas. La CGT dénonce cette spécialisation qui met en danger les personnels et qui entraîne inévitablement usure professionnelle, responsabilité accrue des professionnels, système de formation continue à deux vitesses, rupture dans la continuité de suivi puisqu’une ré-affectation serait possible en cas de repérage en cours de suivi, remise en cause d’une sectorisation géographique qui pourtant est propice au développement d’un réseau partenarial de qualité et d’une connaissance accrue de notre public.
Et enfin mais c’est le pire du pire : les personnels seront ravis d’apprendre que c’est grâce à la lutte contre la radicalisation qu’ils ont obtenus de telles avancées statutaires, indemnitaire et de recrutement ! Ainsi tout le résumé du relevé de conclusion figure dans le plan comme si cela venait compenser les efforts demandés aux personnels des SPIP !
La CGT affirme au contraire que ce protocole n’est ni un cadeau bienveillant de la DAP à l’égard de notre profession, ni une compensation à l’intégration des questions de radicalisation dans nos pratiques. Ce protocole est l’aboutissement d’une lutte historique des professionnels ayant obtenu la reconnaissance des pratiques opérées dans les SPIP depuis près de 10 ans ! La CGT l’a déjà dis et le redis pour les personnels la priorité consiste dans le respect de la parole donnée, c’est à dire la mise en œuvre des acquis entérinés par la signature du protocole et sans qu’un détournement inacceptable des motifs de cet accord soit opéré. Nous n’avons jamais accepté et n’accepterons jamais de chantage visant à détourner en profondeur la mission de réinsertion et l’accompagnement socio-éducatif à des fins sécuritaires et de renseignement !
Montreuil le 25 octobre 2016