Après la RGPP, la MAP, le gouvernement ne nous dupera pas en utilisant d’autres termes. Mi-septembre, a été engagée par le premier ministre la « revue des missions de l’Etat ». En d’autres mots, cette phase de la réforme de l’Etat, qui s’inscrit toujours plus dans une logique d’austérité, a pour objectif la mise en place en un temps record d’une grande gare de triage pour transférer des missions aux collectivités locales, en privatiser voire en abandonner… pour une application en 2015.
Le ministère de la Justice, comme tous les ministères régaliens, n’est pas épargné : il devra lui aussi participer à cette démarche et doit rendre sa copie au premier ministre quant aux options proposées. Le secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat a d’ailleurs déclaré qu’il ne devait y avoir aucun tabou !
Le secrétariat général a donc réuni dans la précipitation les organisations syndicales du comité technique ministériel le 13 octobre 2014.
La CGT et le Syndicat de la Magistrature y ont dénoncé le nouveau piège que la revue des missions de l’Etat représentait.
Depuis 2007, de nombreuses attaques ont été portées au service public de la Justice. La protection judiciaire de la Jeunesse est la première dans le viseur : le risque est grand pour la PJJ de se voir amputer de ses missions d’investigation, voire tout ce qui relève de la protection de l’enfance. L’administration pénitentiaire a depuis de nombreuses années délégué au privé un certain nombre de ses missions et doit aujourd’hui en assumer d’autres comme les extractions judiciaires. La tentation pourrait par exemple être de confier la surveillance périmétrique des établissements à des sociétés de sécurité privées. Les services pénitentiaires d’insertion et de probation ne voient toujours pas le caractère régalien de leurs missions confirmé par le législateur. Cette incertitude laisse le champ libre à l’abandon de certains pans de missions, ce qui est déjà en partie de cas pour le pré sentenciel. Des tentatives de délégation au secteur associatif et de mise en concurrence au service public sont de plus en plus pressantes. La mobilisation intersyndicale contre la privatisation de l’exécution des peines du 8 juillet dernier en réaction à des amendements du Sénat en ce sens n’est malheureusement pas le point final de ce combat. Par ailleurs, la réforme pénale confère aux collectivités locales un pouvoir élargi à travers les comités de prévention de la délinquance, ce qui peut constituer les prémisses de la décentralisation des missions des SPIP. Pour les juridictions, nous nous attendons à ce que soient recyclées des pistes pourtant écartées des débats sur la « Justice du 21ème siècle ». Par ailleurs, il est fort à parier que des missions soient abandonnées au profit des professions réglementées, en quelque sorte des contre parties bien commodes dans le contexte actuel de réforme de ces dernières.
Cette réunion n’a pas permis d’en savoir beaucoup plus sur les intentions du ministère qui n’a pas eu le temps de finir « son catalogue » des missions et qui ne consultera les OS qu’en janvier quand les grands choix stratégiques auront déjà été bouclés. En février un séminaire gouvernemental arrêtera définitivement les chantiers de réforme et de « simplification » à mettre en œuvre. Par ailleurs, la réforme territoriale aura nous le savons des impacts sur l’organisation territoriale de l’Etat : ce qui promet encore des redécoupages à l’infini.
Toutes ces réformes à marche forcée viennent fragiliser un service public déjà largement mis à mal par les coupes budgétaires successives et se font au détriment des usagers et des fonctionnaires.
La CGT et le Syndicat de la Magistrature ne voient dans cette entreprise qu’une énième tentative de casse du service public motivée par une conception ultra libérale.
Soyons tous mobilisés pour défendre notre conception des politiques publiques et du rôle de la Justice !
Montreuil, le 14 octobre 2014
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