Le budget pour l’année 2015 a été présenté mercredi 1er octobre dans les grandes lignes par le gouvernement et également au ministère de la justice et à la direction de l’administration pénitentiaire.
La CGT dénonce les choix politiques effectués qui accentuent encore plus le plan d’austérité. Les cadeaux au patronat se multiplient, les injustices sociales continuent de se creuser et les 21 milliards d’euros (Mds €) d’économie sur les dépenses de l’Etat (l’effort est réparti entre l’Etat 7 Mds €, les collectivités publiques 4 Mds € et la Sécurité sociale 10 Mds €) justifiés par le pacte de responsabilité ne vont qu’aggraver la situation économique du pays et celle des plus modestes. Nous ne nous y trompons pas, les annonces faites sur les faibles revenus cachent des efforts plus importants sur les impôts indirects et la TVA.
Le projet de budget prévoit des créations d’emplois dans trois secteurs prioritaires (éducation nationale, sécurité, justice) mais au prix de suppressions d’emplois dans le reste de la fonction publique. On nous parle de stabilité mais pour être plus précis, il y a une baisse des effectifs globaux à hauteur de 1278 postes équivalents temps plein.
Pour participer aux coupes drastiques dans les dépenses de l’Etat, l’ensemble des ministères vont utiliser des leviers non négligeables pour :
réduire les budgets de fonctionnement (1,5 Mds €) en « faisant le pari » du dématérialisé,
limiter la croissance de la masse salariale (1,4 Mds €), en poursuivant le gel du point d’indice et en réduisant les mesures catégorielles.
restreindre les dépenses d’intervention de l’Etat (2,4 Mds €).
amputer les agences et les opérateurs de l’Etat de leurs moyens (1,9 Mds €). Pour la justice, l’ENM, l’ENAP et l’APIJ ne seront pas épargnés.
Tous ces choix vont continuer de contribuer à la casse des services publics et à l’abaissement du pouvoir d’achat des fonctionnaires.
Et pour en rajouter une couche, la réserve de précaution sur le budget global est déjà actée à hauteur de 8%. Ce qui revient à un gel des crédits qui ampute d’autant le budget et accentue la politique d’austérité.
Pour le secteur de la justice dit « prioritaire », nous ne rentrons pas dans le piège de la culpabilisation. Rappelons-le, le niveau du budget de celui-ci en France part de tellement loin que ce ne seront pas les 2,3% d’augmentation pour 2015 qui le feront approcher les hauts des classements. En effet, en 2012, la France ne dépensait que 0,2% de son PIB pour sa justice (hors administration pénitentiaire) et elle occupait la 34ème place sur 40 avec 10,7 juges pour 100 000 habitants pour une moyenne européenne de 21,3.
Dans la justice, il est demandé à toutes les directions des « efforts de rationalisation et d’optimisation de leurs moyens, en s’appuyant notamment sur le déploiement de nouvelles applications informatiques, en optimisant la politique d’achats, en réduisant les dépenses d’affranchissement ». Ce seront notamment les frais de justice qui feront l’objet d’une réduction importante : quand l’on sait que ce type de budget est un puits sans fond, il nous semble illusoire de penser que l’informatique va remplacer l’humain et réduire les frais !
Ce sont ainsi 7,98 mds d’euros qui seront alloués à la justice : 3 079 Millions d’euros (M €) pour les services judiciaires, 363 M € pour l’aide aux victimes et l’accès au droit, 778 M € pour la Protection judiciaire de la jeunesse, 319 M € pour moderniser le ministère et accompagner les per sonnels et 3 396 M € pour l’administration pénitentiaire.
Le projet de regroupement des services du ministère notamment sur le site du millénaire (Porte d’Aubervilliers), dont le bâtiment sera livré en avril 2015 dont les 33 000 m2 sont d’ores et déjà sous dimensionnés sera à regarder de près.
Les partenariats publics privés continuent de grever le budget de l’administration pénitentiaire et représentent 150,2 M pour une poignée d’établissements contre 214 M pour le reste des prisons.
Par ailleurs, 272 M € d’autorisations d’engagement sont prévus pour lancer plusieurs projets immobiliers : Lutterbach, Nouvelle Calédonie, CSL Martinique, rénovation de la MA de Basse Terre et du CP de Faa’a.
Concernant les emplois, 600 créations d’emplois sont prévues sur 2015 pour l’ensemble de la justice : 94 emplois, pour les services judicaires (dont 49 sont dégagés d’un redéploiement soit disant « permis par la modernisation des systèmes d’information »…). Sur ces 94 emplois, 40 sont prévus au titre de la réforme pénale pour des postes de magistrats et 22 emplois de greffiers seront engouffrés par les mesures de la justice du 21ème siècle. 56 emplois pour la PJJ qui depuis plusieurs années ne voit pas la couleur des créations de postes annoncés et budgétés,cherchez l’erreur !
A l’administration pénitentiaire, les ouvertures d’établissement (Vendin Le Vieil, Valence et Beauvais soit 2900 places) ainsi que les transferts de missions des extractions judicaires vont absorber l’essentiel des emplois.
Dans les SPIP, sur les 1000 emplois promis au titre de la mise en place de la réforme pénale qui vient d’entrer en application, (dont 650 en postes de CPIP) 300 seront créés sur le budget 2015 et se répartiront ainsi : 170 conseillers, 20 directeurs, 25 assistants sociaux, 20 surveillants, 35 psychologues et 30 personnels administratifs.
La CGT a exigé de l’administration pénitentiaire la mise en place d’organigrammes de référence et d’un ratio de prise en charge (50 personnes suivies maximum par travailleur social). Seuls ces deux grands principes pourront offrir des repères et des perspectives d’un service public de qualité. Le ministère affirme lors de la présentation du budget qu’on atteindrait avec les 1000 emplois les ratios mis en avant dans le rapport IGF-IGSJ soit 86 en milieu ouvert et 73 en milieu fermé. Au-delà du nombre de variables qui brouillent la fiabilité des chiffres, ceux-ci sont encore loin des normes européennes.
Sur tous les terrains, les personnels et les militants de la CGT dénoncent les conditions d’exercice dans nos services : budgets épuisés pour les frais de déplacement, les véhicules de service, la formation continue, le fonctionnement tout simplement.
Le budget de fonctionnement des SPIP qui stagne depuis plusieurs années est augmenté de moins de 10% pour une enveloppe globale de 22,5 M €. Il aurait été difficile de faire moins compte tenu des créations d’emplois.
Nous dénonçons chaque jour le décalage entre l’affichage politique qui met en avant la réinsertion et les aménagements de peine et les réalités budgétaires.
Avant l’été, l’ensemble des services de la région de Lille n’avaient plus un euro pour financer des projets de placement extérieur, idem sur tout le territoire pour la convention avec l’AFPA (formation professionnelle) et la liste est encore longue…
Les dépenses de réinsertion des SPIP qui s’élèveront à 10,1 M € (8,5 M € en 2014) et la dotation pour les placements extérieurs qui sera augmentée de 100 000 euros suffiront-elles à répondre aux besoins des publics en la matière ?
Cela ne nous surprend pas : le PSE est toujours un objectif prioritaire. La ligne pour les bracelets électroniques prévoit jusqu’à 12 757 PSE en 2015 (pour 11 586 au 1er juin 2014). A la CGT, nous pensons que d’autres aménagements de peine sont plus adaptés aux publics comme la libération conditionnelle, le placement extérieur. Il serait temps d’inverser la courbe des chiffres !
Pour les publics incarcérés, 9 M € sont prévus pour les activités : les budgets de la formation professionnelle et l’enseignement resteront stables mais ce seront les activités qui devront être développées avec un objectif de 3 heures d’activité par jour en 2017 au lieu de 1h 30 à l’heure actuelle. Nous serons attentifs sur ce sujet et verrons si la déclaration d’intention prend réalité. Concernant le développement des liens avec l’extérieur, 22 M € sont dégagés pour la poursuite de la construction d’Unités de Vie Familiale (UVF) et de Parloirs Familiaux (PF). A ce jour, il existe 74 places d’UVF dans 22 établissements et 36 places de PF dans 9 établissements. Le triennal prévoit de doter en priorité les établissements pour peines et quelques maisons d’arrêt (30 établissements au total seraient concernés).
La CGT revendique d’autres orientations pour les politiques publiques dans l’intérêt de toutes et tous, une remise en cause des aides inutiles aux entreprises et une véritable réforme fiscale. Pour toutes ces raisons, la CGT appelle l’ensemble des salariés et citoyens à se mobiliser et manifester le 16 octobre !
Montreuil, le 6 octobre 2014
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